vendredi 22 août 2014

L'âpre vérité

« Et pourquoi je te demanderais quelque chose sur ce que tu sembles porter ? Je ne suis pas aussi stupide... Tu pourrais aussi me mentir ! Qui me dit que tes paroles seront vraies ? »

L’innommable ne semble pas froissée par l’agressivité de la belle à son égard. Elle garde son calme et répond avec une politesse quelque peu usurpée : « Je sais ce que je suis, tu avoueras que ça serait du temps de gagné. Et je peux le prouver par des expériences bien plus simples que celles que mènera, à tâtons, ton amie scientifique. L’expérience ne ment pas, n’est-ce pas ? »

Tarik fronçait le nez et se rapprochait, sa curiosité semblait l'emporter même si elle restait a bonne distance, tapotant maintenant ses phalanges sur son ventre rond… Elle n'était pas agressive juste méfiante, très méfiante en fait.. « Explique moi ce que je ne sais pas dans ce cas. »

L’innommable baisse les yeux sur le ventre rond de Tarik. L’espace d’un instant, le regard violet de l’innommable semble s’adoucir. Elle relève finalement les iris vers son interlocutrice, la dévisageant avec complaisance, détaillant les bijoux qui ornent son visage et chevelure. Elle pose une main sur la grille, avec douceur. Presque de façon sensuelle.

Il reste toujours, au fond de ses yeux, cet éclat malsain que l’Inyanga ne pourra rater : « Je suis une esclave exotique, ultime création d’Asclépius le Vipérin d’Ar. Comme son nom l’indique, tu devineras que ce médecin s’est spécialisé dans la réalisation d’esclaves empoisonnées » Elle marque une petite pause. Repenser à son père ne la laisse pas indifférente : « Ce qu’a bu ton chef, c’est-à-dire mon sang, n’est pas le poison. C’est l’antidote. »

Tarik penchait la tête de coté et fronçait les sourcils, essayant de tout comprendre... Elle se souvenait d'une conversation qu'elle avait eue avec Zinkan il y a très longtemps et l'espace d'un instant, les souvenirs passaient rapidement derrière ses rétines.... « Si ton sang est l'antidote, que tu es empoisonnée, ça veut dire que tu es porteuse saine... Je ne suis pas spécialiste comme l'amie Malie mais de ce que j'en sais, ton organisme a développé des anticorps sinon tu serais malade... tu es la toxine et le remède…  Mais dis-moi... si ton sang n'est pas dangereux, autre chose chez toi doit l'être... Ta chair? Un organe... hmmm… »

L’innommable passe la main droite sur son bras gauche, blessé par les crocs d’Al’Ka. La douleur y est encore vive et elle évite donc d’y appuyer, se contentant de masser avec précaution l’emplacement de la plaie, au dessus de l’étoffe brunâtre utilisée pour la bander. Un petit geignement s’échappe d’entre ses lèvres. Elle retire finalement la main. Elle écoute Tarik analyser les informations avec attention, les yeux plissés, se délectant du jeu habile de l’esprit de la Mamba : « C’est cela. Ce poison là n’a aucun effet sur moi. Il est moi. Je suis lui. Et je suis l’antidote en même temps. »
Elle glisse subitement un doigt entre ses lèvres et le suce avidement, de façon ostensiblement érotique. Elle le ressort, trempé de sa salive et l’agite devant elle : « Ceci, par exemple. » Un autre doigt vient cueillir quelques gouttes de sueurs qui perlaient sur son front: « Ou cela. » Une infinie malice s’empare finalement de son visage : « Je te laisse imaginer quelle est la troisième sécrétion qu’il vaut mieux éviter de consommer chez moi ? » Inutile de la provoquer en s’enfonçant le troisième doigt entre les jambes…

Tarik se glissait lentement au sol, restant accroupie pour soulager le poids de son ventre qui la forçait a cambrer les reins... douleur définitivement insupportable, surtout en position debout prolongée. Elle observait les moindres gestes effectués par l'intrigante kajira et tirait un sourire en coin de lèvre. Sa tête se penchait a nouveau de coté, elle semblait être dans une intense réflexion… Puis, ses lèvres se desserraient a nouveau : « Comment s'appelle ce poison? A-t-il seulement un nom ? »

 Elle revenait se grattouiller le bidon, prenant en compte la présence de Shab a coté d'elle... elle l'avait senti, effluves d'un parfum différent de ceux des Mambas... Maintenant, elle était sure qu'il était demeuré pas loin des cages... Son attention se reportait sur l'esclave « A quoi sers-tu si tu es l'antidote et que nous le savons ? J'aurais supposé que tu étais ici, parmi une tribu cannibale pour l'exterminer sachant que tôt ou tard l'un de nous t'aurais mordue, a moins que ce poison ne soit qu'une drogue pour effeuiller nos esprits ? Explique-moi. »

L’innommable ne la quitte pas du regard, baissant les yeux tandis qu’elle se pose au sol : « Personne ne m’a envoyée ici. Des mercenaires m’ont volée à ma maîtresse, pour le compte de je ne sais qui. Ces abrutis m’ont utilisée allégrement après quelques réticences à cause des recommandations dudit commanditaire. Ils sont morts dans la jungle. Je me suis retrouvée seule et l’une d’entre vous m’a récupérée. » Elle s’étire longuement.

De temps à autre, quelque frisson provoqué par le froid humide vient ébranler son corps nu. Elle dégage toujours cette aura nocive, presque corrosive mais ne paraît pas agressive pour autant : « Asclépius était très talentueux, paraît-il, et je suis sa plus grande réussite. Mais le résultat a surpassé ses désirs, si je puis dire. Tous mes fluides, sang comme salive, présentent aussi les effets d’une drogue… Ils provoqueraient sensation de bien-être et endormissement. »

Tarik se redressait et acquiesçait lentement… Tout ce qui lui restait a faire dans l'histoire, c'était d'essayer de comprendre ce qu'était ce poison et pourquoi pas mettre un nom sur la chose... Elle n'avait encore jamais rencontré cela de toute sa vie et pourtant, elle a 80 piges...Elle semblait à la fois excitée et apeurée et peut-être qu'en effectuant quelques tests sur la jeune femme, elle arriverait a mieux cerner le fonctionnement et le but de tout cela... Elle reculait lentement, son état la forçait à faire le moins d'efforts possibles surtout avec les pertes de sang récentes... « Bien, je vais accorder une certaine importance a tes paroles... tu n'en restes pas moins dangereuse surtout pour ceux qui ont un passif avec certaines drogues... » Elle tournait les talons, grommelant vers Shab histoire de dire « Reste à distance ».

L’innommable apportera quelques précisions, toujours de la même voix atone et paisible : « Ni le poison, ni la drogue n’ont de nom. Tout n’est qu’adaptation à un organisme humain. C’est un poison lent. Cela ne tue qu’à la longue… » C’était clairement pensé pour simuler une maladie chez la victime, devenant ainsi très utile dans les intrigues politique du Haut-Ar.

Tous s’éloignent : « Tu as raison », murmure-t-elle, « je n’en reste pas moins dangereuse… » Elle ferme les yeux. Après tant d’émotions, un peu de solitude ne lui fera pas de mal. Même si elle doute parvenir à trouver le sommeil tant son corps lui semble froid…

Tarik se penchait sur Shabaka et allait tenter de lui chopper le bras pour qu'il l'aide a remonter... Elle en avait plein la tête et ne dormirait surement pas de la nuit.... Elle lançait en parallèle a une inahan qui passait près d'eux « pose une couverture en face de la grille mais n'approche pas de la fille, asante » lui faisant un sourire avant de partir pour remonter.

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