vendredi 22 août 2014

Shimaro


 « Brûlant comme un volcan, profond comme le vide !
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraîchira la soif de l'Euménide
Qui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang.

Que nos rideaux fermés nous séparent du monde,
Et que la lassitude amène le repos !
Je veux m'anéantir dans ta gorge profonde,
Et trouver sur ton sein la fraîcheur des tombeaux ! 
»
Charles Baudelaire, les Fleurs du Mal


Poison s'avance devant la cage son couteau dans la main, la mamba, n'est pas en forme en ce moment, ses pensées sont noires ainsi que son regard, elle passera le couteau sur les barreaux faisant crisser le métal dans un fracas assourdissant..et d'une voix glaciale elle dira : « Hou... Réveille-toi ! »

L’innommable relève le nez lorsque des bruits de pas retentissent dans les grottes, troublant l’habituelle rumeur du lieu. Elle ne dort plus depuis plusieurs heures, se tenant assise. Sur ses épaules est étalée une couverture qu’une inahan lui a donnée sur demande de Tarik. Elle n’a plus froid mais ne semble pas pour autant particulièrement en forme. Elle se relève mollement, laissant tomber l’étoffe par terre, pour se diriger d’un pas lent vers la grille. Elle ne viendra pas s’y coller cette fois, gardant ses distances. Son regard mauve s’arrête sur le couteau. Elle plisse les yeux : « Hm ? »

Poison plante son regard sur la belle au sol, la détaillant d'une froideur mortelle… puis ses pupilles iront se poser sur son couteau, le fixant dans sa main, le faisant tourner lentement… en silence… comme si elle le caressait : « Dis moi... qu'est ce que tu es ? »

L’innommable réajuste tant bien mal sa chevelure autour de son visage, chassant de ses yeux les mèches rebelles qui envahissent son champ de vision. Après plusieurs jours et plusieurs nuits passés dans cette cellule, elle est devenue sale, puante, et sa peau s’est totalement débarrassée de l’odeur sucrée du parfum qu’elle portait sur elle autrefois. Ses iris délaissent le couteau, pourtant peu rassurant, pour venir se planter dans celles de la Mamba : « Tout dépend du point de vue… » commence-t-elle d’un ton paisible, sa voix dénote toutefois moins d’assurance qu’elle n’en avait la première fois qu’elles se sont rencontrées, « pour certains je suis un monstre », elle s’approche finalement davantage de la grille – à ses risques et périls, elle le sait- : « pour d’autres une arme » Son regard s’échappe pour fixer un point invisible au fond des grottes : « enfin, certains voient en moi la clé du paradis. »

Poison vient poser le couteau sur sa joue, comme pour sentir sa froideur et s'en imprégner, son regard revient vers la fille, soutenant le sien, s'y plongeant, comme si elle cherchait à capter ses pensées. Sa main tenant l'arme glisse le long de sa joue jusqu'à son cou comme si elle allait s'entailler elle même la peau..Les pensées morbides s'agitent dans son esprit tourmenté.. « moi, je vais te dire ce que je vois..un animal dangereux… Qu'as tu fait à l'Inkosi au juste? Pourquoi, sachant ce que tu es, l’as-tu poussé à te mordre… Veux-tu mourir ? »

L’innommable a eu à boire mais n’a pas mangé depuis plus d’un jour et la faim tiraille cruellement son estomac. Elle ne réclamera rien cependant. L’oubli de nourriture n’a probablement rien d’une erreur, elle a même été étonnée qu’on lui donne de l’eau et de quoi se réchauffer… Elle croise les bras sur son buste, écrasant sa poitrine de ses mains : « Ton In-ko-si… » ne connaissant pas ce mot, elle l’articule avec lenteur, détachant les syllabes, « …venait de m’annoncer qu’il allait me dévorer le cœur. »

Elle marque une petite pause, la laissant prendre la pleine mesure de ce projet : « Mon sang l’a chamboulé, rien de grave. Imagine une seconde ce que manger mon cœur lui aurait fait… » Un sourire franchement malsain s’est peu à peu dessiné sur ses lèvres. Elle avait tout simplement sauvé la vie d’Al’Ka.

Poison décale ses cheveux collés par les larmes de la veille derrière ses oreilles, elle a perdu tout sourire, toute émotion. Elle semble froide et pale comme la mort. Le couteau revient à sa ceinture. Aucun geste ne sera fait pour apaiser la faim de la captive, elle n'aura pas de pitié… Rien ne transparaît de son visage, pareil à un masque de cire « Nous sommes… cannibales… J'ai vu le changement d'état de mon Inkosi quand ton sang est entré en lui… Sais-tu que si l'Inkosi perd de sa force, je te tuerai sans faire couler le sang ? »

L’innommable ne cesse pas une seconde de sourire, ses iris s’accrochant au couteau finalement rangé. Elle vient à nouveau les darder dans les émeraudes scintillantes de la Mamba, la fixant avec intensité : « En effet, vous êtes cannibales. Et j’aurais pu garder le silence sur ma nature. Combien d’entre vous seraient morts en me dévorant ? » L’aura de mort qui plane autour d’elle semble s’être renforcée.

 Le mal oscille dans son regard violet : « Ton Inkosi ne perdra rien de sa force. Je l’ai expliqué à votre soigneuse hier, ce qu’il a bu est un antidote. Le seul risque est qu’il ait envie d’y revenir… » Tout cela semble l’amuser malgré son propre état de faiblesse et de vulnérabilité totale : « Tu sais… Quand on a vécu comme j’ai vécu, c’est-à-dire en n’étant qu’un outil pour donner la mort ou un jouet… Mourir n’a rien de tragique. »

Poison  s'approche de la cage, et vient capter les barreaux de ses doigts..elle n'a pas peur de cette fille, au contraire, cette aura morbide qui émane d'elle l'intrigue ; cette ambivalence, entre malice et sensualité la ramène à un être enfoui du passé. Shimaro… L'homme qu'elle a tué de ses mains, le meurtrier de sa jumelle, avait cette même étrange lueur dans le regard, cette irrésistible présence. Il arrivait pas son regard malsain et accrocheur à la rendre accro à lui.

Ses doigts viennent serrer le métal, elle glisse vers le bas lentement ses prunelles toujours défiant celles de la captive : « envie d'y revenir? donc… ton sang est une drogue ? »

L’innommable vient, avec prudence, poser sa main sur celle de la Mamba. Elle pourra sentir la dureté des ongles longs de l’innommable tandis que ses doigts déliés se referment sur la peau tendre : « Mon créateur ne l’avait pas prévu… Probablement a-t-il commis quelque erreur. Mon sang est une drogue. » Son pygmalion lui-même est d’ailleurs tombé dans le piège, pourtant pleinement conscient de l’écueil dans lequel il se précipitait… Mais ce n’était pas cela qui l’avait tué, après tout : « Ton Inkosi n’a bu que quelques gouttes. Je ne pense pas que cela puisse le rendre dépendant physiquement parlant. Cependant… »

 Le ton de sa voix baisse, elle se met quasiment à murmurer comme pour défier l’écho des grottes : « Il peut désirer, mentalement donc, éprouver à nouveau ce qu’il a éprouvé quand il l’a bu. »

Poison ne bouge pas, ne tressaute même pas quand la main de la brune se referme sur la sienne, ses prunelles fauves sont plongées dans les siennes. Elle peut voir Shimaro en elle, le dessine mentalement, irrésistible image et terrifiante en même temps… La peur de s'y plonger à nouveau, dominée par celle d'y succomber. Elle a bien une fille en face d'elle, Poison n'a jamais été attirée par le sexe féminin, mais ses pensées morbides la ramènent à un passé qu'elle a effacé de sa mémoire pour ne plus s'y replonger. «  l'Inkosi… » revenant à l'objet de la discussion « il va vouloir prendre ton sang… encore donc ? »

L’innommable perçoit facilement l’étrange attirance qui fait briller les prunelles sauvages de la Mamba. Elle s’en délecte. Ses doigts pianotent sur la main de la jeune femme. Peu à peu, monte en elle le désir brutal de l’embrasser violemment. Dévorer ses lèvres de baisers. Insuffler la mort en elle et la voir dépérir, peu à peu, devenir plus faible de jour en jour.

Elle s’humecte les lèvres : « Je ne peux pas le dire… Tout dépend de sa force mentale. Il aura probablement compris qu’il s’agit d’une drogue. Je suppose que votre soigneuse l’aura mis en garde… » Elle avance légèrement le visage vers elle : « C’est un être colérique et impulsif, il peut avoir aimé n’éprouver plus aucune émotion vive. Qui n’aimerait pas, après tout, ne ressentir aucun désir ? Aucun besoin ? » Sa voix se fait plus rauque : « Juste la plénitude… »

Poison perd pied revenant à ses pensées ancrées dans son mental éprouvé des derniers jours, le fantôme de Shimaro se faisant de plus en plus présent..elle le sent dans la pièce, il flotte autour de la brune, comme pour la torturer..mais aussi l'attirer..Son visage s'approche en même temps que celui de la fille, ses yeux ne la quitte pas..elle murmure à présent les mots tandis que leurs bouches s'approchent.. « Shimaro..ne si kunidhuru (Shimaro, ne me fais pas mal) » pas du tout consciente qu'un baiser pourrait la tuer..bien trop ..happée par cette aura destructrice..

L’innommable écarquille les yeux en réalisant qu’elle évoque quelqu’un à la Mamba. Shimaro. Une évocation assez forte pour que la jeune femme vienne se jeter elle-même au fond du gouffre. Un frisson d’excitation court le long de l’échine de l’innommable. L’embrasser. Elle-même est attirée par cette fragilité soudaine. Cette grande guerrière qui s’offre, si vulnérable…

Elle se mord la lèvre inférieure. La douleur. Souviens-toi. Tu ne peux pas tuer si on ne te l’a pas ordonné. Tu n’es pas un électron libre. Tu es une arme. Tu ne tues pas sans ordre. Elle pousse un râle de mécontentement. Sa main se détache de celle de sa victime et elle s’écarte brusquement de la grille.

Tarik se rapprochait des cages en baillant largement. Waki lui avait dit qu'il libérerait Isha aujourd'hui et elle commençait a penser qu'elle aurait peut-être mieux fait de la piquer la veille… Elle lorgnait vers le coin réserves, vers les cuisines espérant y voir le sleen demandé à Goobah mais rien...

 Rien dans les cages à part... à part la fille empoisonnée… Elle émergeait et se rendait compte l'espace d'un instant que poison était trop proche d'elle et même qu'elle la touchait.... Elle grognait d'un coup et posait la main sur l'épaule de Poison pour la repousser vivement en arrière  « SSHAAA la touches pas ! ! ! »

Poison reste la un moment sans bouger totalement absente, ne percevant pas la présence de Tarik dans son dos, totalement dans ce rêve éveillé... Elle est prête à s'offrir à cette tentatrice, lui rappelant bien trop un passé encore terrifiant. Et c'est au moment ou la brune se détachera d'elle, qu'elle réalisera ou elle se trouve..clignant des yeux pour émerger.. « que.. » Ses sourcils se fronceront, sa respiration deviendra haletante, et elle reculera de plusieurs pas en arrière… très loin de cette cage, posant sa main sur sa gorge comme si elle manquait d'air.

L’innommable les regarde toutes les deux, découpées par le quadrillage régulier de la grille qui les sépare d’elles. Elle se met alors à rire. D’un rire terrifiant qui emplit les grottes et que l’écho vient amplifier, un rire absolument diabolique. La Mamba a de la chance qu’on l’ait éduquée à obéir. Mais avec le temps, peut-être parviendra-t-elle à tuer sur caprice… Elle rira durant de longs instants. Ses iris transpercent Poison de part en part depuis les ténèbres où elle se tient. Puis ses lèvres se referment, laissant le silence envahir progressivement les souterrains. Elle tremble. Pas de froid ni de peur. D’excitation.

Ses mains se crispent : « Partez… » fait-elle d’une voix menaçante, « je ne suis plus d’humeur. » Et elle pivote sur ses pieds pour aller s’enfouir dans le fond de sa geôle.

Tarik avait les sourcils froncés et elle semblait en colère… Elle n'était pas comme Anpao, bien plus terre a terre et elle ne croyait pas autant que les mambas aux esprits et aux dieux quels qu'ils soient... Elle savait que Mahlaheka avait vu quelque chose dans le ciel , quelque chose qui avait foudroyé d'un éclair aveuglant tout un village, le réduisant en cendres, elle l'avait crue pour la simple et bonne raison qu'elle avait vu des choses étranges près de Sardar... Les tarns qui ne pouvaient pas voler au dessus des monts et qui s'écrasaient au sol, perdant le don du vol... Les prêtres rois, elle ne croyait qu'a leur existence… et encore, Tarik était de ceux qui ont besoin de voir pour croire… Anpao aurait surement vu une aura sombre chez la fille empoisonnée ou quelque chose qui se rapporterait à la possession mais pas Tarik, pour elle, la drogue qui l'habitait offrait des hallucinations, comme le kanda ... ces palpitations, ces images irréelles, son imagination.

La black venait près de sa sœur et grognait, la peur de la l'empoisonnement surement la faisant réagir ainsi « ne l'approche plus, son poison est dangereux et  sûrement addictif, ne l'approche plus yebo ? »

Poison secoue la tête pour sortir de cet état semi comateux, elle grogne ses lèvres se retroussant tandis que son corps plie sous le poids de cette vulnérabilité... Shimaro était encore venu la hanter, elle ne se sortira jamais de son emprise… Il finira un jour par la tuer. Un feulement de rage fera écho à travers la grotte, un autre pas en arrière... La respiration qui se coupe, l'air qui raréfie… La mamba a de la peine à le retrouver, elle inspire de façon saccadée comme si elle étouffait littéralement. Sa main sur sa gorge se durcit tandis que sa soeur vient contre elle pour l'avertir : « je dois so... sortir de la » courant vers l'extérieur.

L’innommable vient presser le front contre la paroi froide et humide. Elle ferme les yeux. La faim qui la dévore n’arrange rien. Elle était prête à perdre totalement le contrôle. De l’arme à la meurtrière, la frontière est si fine… Sa respiration et son pouls se sont emballés. Elle fait crisser ses ongles contre la pierre. Un geignement plaintif s’échappe d’entre ses lèvres : « Oh, ma douce… Je te prendrai un jour, oui, je te prendrai… Et tu seras mienne, jusqu’à ce que la mort t’emporte… Oui…. » Elle glisse à genoux, face au mur. Ses murmures s’éteignent. Une douce léthargie vient l’étreindre. Elle est fatiguée. Ses paupières se ferment sur quelques larmes. Son esprit divague. Faim. Mais de quoi, exactement ?

Tarik lançait un regard noir vers l'esclave en cage... ses yeux vairon se fixant sur la fille un instant.. On pouvait y ressentir la colère et la déception... Elle avait accordé du crédit a l'étrangère et à ses paroles, dans sa tête, elle en avait assez dit pour paraitre de bonne foi et Tarik avait pensé que sincèrement, elle ne voulait pas d'mal à sa tribu mais la.... Sha! Ca semblait lui plaire de rendre "fous" les siens... Elle marmonnait, s'accroupissant sur le sol pour aller ouvrir son sac de soin et récupérer le valarion : « Tu es mauvaise, kajira, mais je promets que tant que je serais vivante, tu ne tueras pas mes frères et sœurs ».

Elle se relevait lentement, se prenant des coups de pieds du bébé dans le ventre de la part du bébé... Son cœur battait une mesure au dessus, la colère l'avait emportée quelques minutes ... fallait se calmer, il le fallait, elle avait le col ouvert de trois doigts... Munie de sa potion elle tournait les talons, jetant un dernier regard sur la fille, l'autre main sur son ventre

L’innommable ne l’entendra pas, perdue dans les limbes noirs de son esprit instable. Sa respiration se calmera peu à peu et elle sombrera dans l’inconscience. Un sommeil sans rêves, comme toujours. Le néant. Tout son corps se relâche. Est-elle vraiment mauvaise ? N’a-t-elle pas déjà épargné deux Mambas ? Ne seraient-ils pas tous morts si elle l’avait vraiment désiré ?

L'âpre vérité

« Et pourquoi je te demanderais quelque chose sur ce que tu sembles porter ? Je ne suis pas aussi stupide... Tu pourrais aussi me mentir ! Qui me dit que tes paroles seront vraies ? »

L’innommable ne semble pas froissée par l’agressivité de la belle à son égard. Elle garde son calme et répond avec une politesse quelque peu usurpée : « Je sais ce que je suis, tu avoueras que ça serait du temps de gagné. Et je peux le prouver par des expériences bien plus simples que celles que mènera, à tâtons, ton amie scientifique. L’expérience ne ment pas, n’est-ce pas ? »

Tarik fronçait le nez et se rapprochait, sa curiosité semblait l'emporter même si elle restait a bonne distance, tapotant maintenant ses phalanges sur son ventre rond… Elle n'était pas agressive juste méfiante, très méfiante en fait.. « Explique moi ce que je ne sais pas dans ce cas. »

L’innommable baisse les yeux sur le ventre rond de Tarik. L’espace d’un instant, le regard violet de l’innommable semble s’adoucir. Elle relève finalement les iris vers son interlocutrice, la dévisageant avec complaisance, détaillant les bijoux qui ornent son visage et chevelure. Elle pose une main sur la grille, avec douceur. Presque de façon sensuelle.

Il reste toujours, au fond de ses yeux, cet éclat malsain que l’Inyanga ne pourra rater : « Je suis une esclave exotique, ultime création d’Asclépius le Vipérin d’Ar. Comme son nom l’indique, tu devineras que ce médecin s’est spécialisé dans la réalisation d’esclaves empoisonnées » Elle marque une petite pause. Repenser à son père ne la laisse pas indifférente : « Ce qu’a bu ton chef, c’est-à-dire mon sang, n’est pas le poison. C’est l’antidote. »

Tarik penchait la tête de coté et fronçait les sourcils, essayant de tout comprendre... Elle se souvenait d'une conversation qu'elle avait eue avec Zinkan il y a très longtemps et l'espace d'un instant, les souvenirs passaient rapidement derrière ses rétines.... « Si ton sang est l'antidote, que tu es empoisonnée, ça veut dire que tu es porteuse saine... Je ne suis pas spécialiste comme l'amie Malie mais de ce que j'en sais, ton organisme a développé des anticorps sinon tu serais malade... tu es la toxine et le remède…  Mais dis-moi... si ton sang n'est pas dangereux, autre chose chez toi doit l'être... Ta chair? Un organe... hmmm… »

L’innommable passe la main droite sur son bras gauche, blessé par les crocs d’Al’Ka. La douleur y est encore vive et elle évite donc d’y appuyer, se contentant de masser avec précaution l’emplacement de la plaie, au dessus de l’étoffe brunâtre utilisée pour la bander. Un petit geignement s’échappe d’entre ses lèvres. Elle retire finalement la main. Elle écoute Tarik analyser les informations avec attention, les yeux plissés, se délectant du jeu habile de l’esprit de la Mamba : « C’est cela. Ce poison là n’a aucun effet sur moi. Il est moi. Je suis lui. Et je suis l’antidote en même temps. »
Elle glisse subitement un doigt entre ses lèvres et le suce avidement, de façon ostensiblement érotique. Elle le ressort, trempé de sa salive et l’agite devant elle : « Ceci, par exemple. » Un autre doigt vient cueillir quelques gouttes de sueurs qui perlaient sur son front: « Ou cela. » Une infinie malice s’empare finalement de son visage : « Je te laisse imaginer quelle est la troisième sécrétion qu’il vaut mieux éviter de consommer chez moi ? » Inutile de la provoquer en s’enfonçant le troisième doigt entre les jambes…

Tarik se glissait lentement au sol, restant accroupie pour soulager le poids de son ventre qui la forçait a cambrer les reins... douleur définitivement insupportable, surtout en position debout prolongée. Elle observait les moindres gestes effectués par l'intrigante kajira et tirait un sourire en coin de lèvre. Sa tête se penchait a nouveau de coté, elle semblait être dans une intense réflexion… Puis, ses lèvres se desserraient a nouveau : « Comment s'appelle ce poison? A-t-il seulement un nom ? »

 Elle revenait se grattouiller le bidon, prenant en compte la présence de Shab a coté d'elle... elle l'avait senti, effluves d'un parfum différent de ceux des Mambas... Maintenant, elle était sure qu'il était demeuré pas loin des cages... Son attention se reportait sur l'esclave « A quoi sers-tu si tu es l'antidote et que nous le savons ? J'aurais supposé que tu étais ici, parmi une tribu cannibale pour l'exterminer sachant que tôt ou tard l'un de nous t'aurais mordue, a moins que ce poison ne soit qu'une drogue pour effeuiller nos esprits ? Explique-moi. »

L’innommable ne la quitte pas du regard, baissant les yeux tandis qu’elle se pose au sol : « Personne ne m’a envoyée ici. Des mercenaires m’ont volée à ma maîtresse, pour le compte de je ne sais qui. Ces abrutis m’ont utilisée allégrement après quelques réticences à cause des recommandations dudit commanditaire. Ils sont morts dans la jungle. Je me suis retrouvée seule et l’une d’entre vous m’a récupérée. » Elle s’étire longuement.

De temps à autre, quelque frisson provoqué par le froid humide vient ébranler son corps nu. Elle dégage toujours cette aura nocive, presque corrosive mais ne paraît pas agressive pour autant : « Asclépius était très talentueux, paraît-il, et je suis sa plus grande réussite. Mais le résultat a surpassé ses désirs, si je puis dire. Tous mes fluides, sang comme salive, présentent aussi les effets d’une drogue… Ils provoqueraient sensation de bien-être et endormissement. »

Tarik se redressait et acquiesçait lentement… Tout ce qui lui restait a faire dans l'histoire, c'était d'essayer de comprendre ce qu'était ce poison et pourquoi pas mettre un nom sur la chose... Elle n'avait encore jamais rencontré cela de toute sa vie et pourtant, elle a 80 piges...Elle semblait à la fois excitée et apeurée et peut-être qu'en effectuant quelques tests sur la jeune femme, elle arriverait a mieux cerner le fonctionnement et le but de tout cela... Elle reculait lentement, son état la forçait à faire le moins d'efforts possibles surtout avec les pertes de sang récentes... « Bien, je vais accorder une certaine importance a tes paroles... tu n'en restes pas moins dangereuse surtout pour ceux qui ont un passif avec certaines drogues... » Elle tournait les talons, grommelant vers Shab histoire de dire « Reste à distance ».

L’innommable apportera quelques précisions, toujours de la même voix atone et paisible : « Ni le poison, ni la drogue n’ont de nom. Tout n’est qu’adaptation à un organisme humain. C’est un poison lent. Cela ne tue qu’à la longue… » C’était clairement pensé pour simuler une maladie chez la victime, devenant ainsi très utile dans les intrigues politique du Haut-Ar.

Tous s’éloignent : « Tu as raison », murmure-t-elle, « je n’en reste pas moins dangereuse… » Elle ferme les yeux. Après tant d’émotions, un peu de solitude ne lui fera pas de mal. Même si elle doute parvenir à trouver le sommeil tant son corps lui semble froid…

Tarik se penchait sur Shabaka et allait tenter de lui chopper le bras pour qu'il l'aide a remonter... Elle en avait plein la tête et ne dormirait surement pas de la nuit.... Elle lançait en parallèle a une inahan qui passait près d'eux « pose une couverture en face de la grille mais n'approche pas de la fille, asante » lui faisant un sourire avant de partir pour remonter.

L'eau

L’innommable se redresse nonchalamment. Son esprit lui paraît plus brumeux que jamais, comme engourdi par le sommeil profond dans lequel elle s’est plongée des heures durant. Sa bouche est pâteuse, ses jambes cotonneuses et son corps douloureux par endroits. Surtout, elle masse son bras gauche. Elle a bandé la morsure avec un morceau de l’étoffe brunâtre qui la vêtait auparavant. Elle grelotte. L’humidité et le froid lui semblent grignoter peu à peu ses chairs tendres. A cet infâme tourment s’ajoutent le déchirement de la faim et l’inquiétude de la soif. Elle claque des dents, maudissant encore une fois l’inconstance presque lunatique de son corps, tantôt brûlant, tantôt gelé. Rarement tranquillisé. L’innommable se met à faire les cent pas dans sa geôle, espérant réchauffer sa peau transie.

Isha se décide à se redresser, lentement, même si son corps a commencé à retrouver sa force... déliant ses membres dans un mouvement fluide. Elle continue de secouer lentement la tête, son regard vrillé sur le mâle maintenant « cha… Isha pas vouloir nyama... toi donner maji (eau) » un grognement plus dangereux alors qu'elle ne cache plus sa colère. Elle reste encore là, plantée au centre mais son corps commence à prendre une pose d'attaque.

Shabaka la fixait d'un regard en biais, il allait pour répondre mais il fut distrait par le mouvement dans la geôle d’à coté. Il se redressa en silence pour aller voir de quoi il retournait, l'outre à la main, le bol de viande toujours au sol, et il prit garde de rester a bonne distance des barreaux. Il détailla la seconde silhouette en plissant les yeux.

L’innommable ne cesse de marcher, longeant les bords de la cellule comme le ferait un fauve en cage. Sa respiration est plutôt calme mais elle est trop profonde, trop sourde pour être totalement naturelle et traduit une certaine nervosité. Son bras l’élance comme jamais, comme s’il venait d’être mordu, comme si les crocs du Mamba étaient restés ancrés dedans pour en raviver la plaie. Elle remarque la silhouette, devant sa cage, mais n’arrête pas son manège pour autant. Ses iris viennent se braquer sur lui dès que possible, effroyablement froids, retournant se poser sur les parois suintantes de la geôle dès lors qu’elle lui tourne le dos.

Isha se sera jetée sur la grille avec force, la faisant résonner dans la grande salle...un grognement de rage accompagnant le geste instinctif et colérique. Elle n'avait pas aimé l'ignorance du mâle qui s'amusait à titiller sa soif afin qu'elle vide ce stupide bol de viande cuite... La rousse n'a pas faim et jeter la viande hors du bol pour qu'il soit vide... c'est pas son genre de gaspiller de la chair précieuse... même cuite. Elle hurle de rage, tend la main à travers les barreaux : « Donne ! Maji ! (eau) » retirant de suite sa main pour reculer au fond de la cage... elle sait qu'elle sature de cette cage à tenter de montrer qu'elle accepte sa punition… Mais c'est trop là. Elle n'en peut plus. Encore, elle lâche un cri hystérique

Shabaka ne s'amusait guère, il espérait peut-être paraitre plus avenant avec un sourire, mais il semblerait qu'elle ne l'ait pas perçut ainsi. Il la laissa vociférer et profita d'une brève accalmie pour exposer calmement : « Cette eau est pour toi, mais je ne peux te donner l'outre et je ne tiens pas à te faire laper le sol. Il n'y a que ce bol. Hurler ne changera rien. A moins que tu veuilles l'eau en même temps que la viande ? »

L’innommable s’arrête finalement auprès des barreaux. Son corps aux courbes affriolantes se découpe à travers le quadrillage régulier de la grille. Ses doigts viennent se poser sur le métal rouillé, resserrant rapidement leur emprise dessus. Elle se met à humer l’air en direction du jeune homme tout en le déshabillant du regard. Elle frissonne. Un sourire étrange naît à la commissure de ses lèvres, finissant par les ouvrir pour dévoiler sa dentition blanche. Ses prunelles violettes vibrent. Elle sursaute, s’écartant quelques secondes de la grille. Les grottes tremblent quasiment sous l’ire de la créature d’à côté. Sa propre colère, sa propre souffrance y trouvent un écho absolument sublime. Un petit râle de contentement s’échappe de sa bouche souriante.

Goob'ah était au sous sol près du feu, il regarde Poison s'éloigner avec Tel'nek... et soudainement, il entend Isha qui se met à hurler de rage, le cri vient apparemment de la cage dans laquelle il l'a enfermé. Il se raidit sur le coup, mais instinctivement, il se met à gronder, le regard devenant comme celui d'un prédateur, il se dirige vers la cage.

Isha lance un regard vers la direction de la voix, sifflant sa colère à travers ses dents serrées...  Ses doigts se baladeront nerveusement sur la roche qui transpire l'humidité, comme si elle cherchait à se retenir pour ne pas aller se cogner contre la grille... « Isha pouvoir avoir outre, Maji (eau)... Isha être Jang'ka... donne ! » murmure-t-elle de sa voix cassée, se forçant à se calmer pour ne pas paraitre encore trop dangereuse face aux siens… La rousse sent la présence d'un autre... ses ongles s'enfonçant dans le peu de mousse qui colle à la roche… Elle gronde et commence à humer pour capter l'identité de l'autre.

Shabaka l'outre toujours en main, il fronçait légèrement les sourcils, ça allait lui retomber dessus si y avait une boulette et il était prodigieusement agacé devant cette perspective vu qu'il ignorait encore bon nombre des habitudes des Jang'Ka. Elle faisait parti des leurs pour sur, mais elle était enfermée entre 4 murs pour avoir fait courir toute la tribu à travers le pays a cause d'une simple piqure... pour ce qu'il en avait compris du moins. Qui lui disait qu'elle n'éventrerait pas l'outre ou s'en servirait de manière détourner. Il hésitait très franchement.

Goob'ah s'approche des cage, le nez plissé, il gronde, et ses pupilles animales scannent rapidement les lieux, commençant par la cage d'Isha pour voir ce qu'elle fait, il jette également un coup d'oeil rapidement vers l'invité au coté et la captive dans l'autre cage, montrant un peu ses dents qui sont serrés, sa mâchoire contractée, il s’avance vers la cage d'Isha en la fixant dangereusement, il semble la mettre au défi d'hurler a nouveau... En remarquant la posture animale et défensive d'Isha, il se met à gronder de plus belle...

Shabaka sortit de sa contemplation et considérera le Jang'ka qui venait d'arriver, il tombait bien celui-là. Quand au bol de viande pour Isha, il était toujours posé au sol prêt des barreaux pour qu'elle se serve et il refroidissait sans rien ne demander à personne.

L’innommable revient sans tarder se presser contre les barreaux de sa cage. Elle note l’arrivée d’un autre Mamba, ayant probablement entendu les cris de la captive. Elle-même a faim et soif mais elle ne réclamera rien. On l’a habituée à endurer. Elle suppliera peut-être dans quelques heures. Dans quelques jours, elle ne sait pas. Son corps grelotte toujours. C’est surtout cela qui la trouble. Ce froid qui pénètre jusque dans les pores de sa peau, qui s’insinue au plus profond de son organisme, qui gèle jusqu’à ses os qui lui semblent pétrifiés. Sa voix s’élève dans l’atmosphère humide des grottes : « Mettez-moi dans la cage avec elle, je lui apporterai la quiétude dont elle a besoin… » Le ton est presque plaintif, suppliant.

Isha tourne la tête vers Goobah dont l'odeur connue sera venue jusqu'à elle… Elle détache lentement ses doigts de la roche humide, son corps se tournant vers lui pour lui faire face. Vu les grondements que le mâle émet, elle comprend que c'est encore elle qui risque d'écoper alors qu'elle a l'impression qu’on s'amuse à la titiller depuis le monde extérieur. Elle n'a pas envie de manger la viande, préférant jeûner et attendre sa sortie pour aller chasser dans la jungle… D'un geste boudeur, elle désigne la direction de Shaba, disant simplement : « Isha Maji (eau)... Kiume pas vouloir… » son regard est vrillé sur Goob ; on dirait une enfant devant s'expliquer face à un adulte..

Goob'ah renifle bruyamment sans quitter Isha des yeux, il repère le bol de viande devant la cage en une fraction de seconde, mais il relève ses regard sévères vers Isha aussitôt. Il continue de fixer la férale rousse mais il entend quand même la captive de l'autre cage, mais ne semble pas répondre sur le coup, trop tendu, il continue de gronder vers Isha, espérant qu'elle se calme et qu'elle ne bondisse pas sur la grille en hurlant. Il entends alors ce qui dit Isha mais semble continuer de gronder un moment, mais sa colère s'envole rapidement, il arque un sourcil et s’avance plus près de la cage, soupirant: « Pas ... hurler » dit-il tout simplement… Puis il s'empare d'une gourde au niveau de son kilt, et d'un coup il glisse son bras a travers les barreau pour la tendre a la férale: « Maji. »

Shabaka douta sincèrement de pouvoir en faire autant sans perdre un doigt. Il reporta brièvement l'attention sur l'autre captive qui ne semblait pas en meilleur état que la rousse et il se risqua a demander vers le feral : « Peut-on donner de l'eau à l'autre également ? »

Goob'ah tourne lentement son regard vers Shabaka, en gardant son avant bras qui est passé a travers la grille, il tends toujours la gourde vers Isha mais il la serre tres fort, elle ne pourra pas lui arracher des mains, a moins qu'elle... ne tente vraiment de forcer. Il semble un peu exaspéré, toujours tendu en regardant Shabaka puis il hoche la tête en signe d'approbation: « Yebo (oui) Maji être... vitale »

L’innommable pousse un petit soupir en comprenant qu’ils ne céderont probablement pas à cette folle prière. Son buste s’affaisse légèrement contre les barreaux et une légère contrariété vient marquer les traits harmonieux de son minois. Cependant, l’un d’eux semble songer à lui donner à boire ce qui suscite l’intérêt de la jeune femme. Elle redresse le museau d’un air avide. Ses lèvres et sa gorge sont asséchées… Par bonheur, ces deux là n’ont pas croisé Al’Ka qui lui a gentiment annoncé qu’il voulait la voir mourir de soif. Peut-être a-t-il mal supporté son sang ? Elle fait une risette innocente tout en fixant celui qui va étancher sa soif.

Shabaka hocha le menton et alla donc tendre l'outre à la brunette, la tenant devant les barreau a porté de main de la donzelle. Comme elle semblait plus calme il se montra un peu moins réticent a approcher, sans pour autant baisser la garde, c'est toujours fourbe et prêt a tout un captif, quelques soit la région, ça c'était une vérité absolue.

L’innommable saisit l’outre avec une délicatesse qui ne ment pas : c’est une esclave très bien éduquée : « Merci. » Elle l’ouvre précieusement, comme si elle prenait un malin plaisir à allonger son propre tourment. Enfin, elle pénètre ses lèvres avec le goulot et se met à boire à petites gorgées. Elle renverse le visage en arrière afin d’hydrater plus vite. Un plaisir certain flotte sur son visage lorsqu’elle retire l’outre de sa bouche. Elle pousse un profond soupir de satisfaction avant de contempler le goulot scintillant de sa salive… Petite moue hésitante. Elle ne dira rien. Elle a vidé l’outre, ils la rinceront bien en la remplissant. Sinon, tant pis pour celui qui y boira. Elle tend le contenant vide au Mamba, répétant simplement : « Merci. »

Shabaka n'est pas mamba, mais il récupérera l'outre et pencha la tête sur le coté en la fixant, intrigué : « C'est toi qui prétends avoir tué deux gardes et qui éloigne les bêtes sauvages ? »

L’innommable penche la tête sur le côté tout en observant l’individu plus en détail : « Je ne les ai pas tués », fait-elle d’une voix un peu tremblante, « ils sont morts. » Elle a toujours aussi froid. Elle se frictionne les épaules avec frénésie : « Tués par leur propre bêtise », ajoute-t-elle d’un ton un peu énigmatique. Elle se met à sourire, sans innocence cette fois mais avec vice : « Les bêtes sauvages sont plus intelligentes. »

Shabaka resta songeur un moment : « Par leur propre bêtise ? »

L’innommable semble avoir repris un peu du poil de la bête. Une certaine ironie gagne ses iris mauves et son sourire n’a de cesse de se renforcer : « Et oui, la bêtise fait plus de ravages qu’on ne le croit… », souffle-t-elle d’un ton presque malicieux. Elle ne semble pas vouloir en dire plus. Si sa peau n’était pas si gelée, elle se trouverait presque à son aise, à converser ici.

Shabaka étira un large sourire de petit con : « Je le crois, tu semble parfaitement l'illustrer ainsi derrière ta grille » il y avait quelques choses de volontairement niais là-dedans et ça sentait le foutage de gueule sur les bords. Il ajoutait plus sérieusement : « Pour vider une outre entière qui ne t'était pas destinée, c'est surement que tu ignores quand tu pourras boire à nouveau. J'espère que tu n'auras pas d'avantage de désagréments maintenant que tu l'a engloutie… », voulant simplement tester la réaction de la brunette et pourquoi pas alourdir quelque peu son séjour ici, elle n'avait que ça a faire de cogiter derrière cette grille, et l'esprit pouvait vagabonder trèèès loin avec l'imagination.

L’innommable hausse un sourcil face aux remarques du jeune homme. Cherche-t-il donc à la provoquer, à l’abri, de l’autre côté des barreaux ? Elle se met à rire. Sans gaieté. Avec acrimonie. Elle-même sait pertinemment qu’elle n’est en rien responsable de sa position derrière la grille, aussi la première moquerie n’a-t-elle guère de prise. La seconde la laissera aussi de marbre. Elle a vécu bien pire et on l’a tourmentée avec plus de cruauté et d’habilité que ne pourra jamais le faire ce freluquet. Son rire s’éteint finalement, laissant quelques traces d’hilarité sur son minois. Elle le dévisage de haut en bas, sans mot dire. Elle ne lui répondra tout simplement pas, se contentant d’un sourire licencieux et d’une œillade dédaigneuse.

Shabaka gardait un léger sourire : « Si jamais tu avais mal au ventre dans la nuit, il sera sûrement inutile d'appeler... » et il se détourna tranquillement en remportant l'outre.

L’innommable lâche un petit soupir, déduisant des propos du jeune homme que l’eau qu’il lui a donnée est probablement empoisonnée. L’empoisonneuse empoisonnée, voilà un bel exemple de l’ironie du sort. Cependant, son esprit cogitant à la vitesse de l’éclair, se souvient que cette fameuse outre était à l’origine destinée à la captive de la cellule voisine… Peut-être se moque-t-il simplement d’elle. Elle hausse les épaules, se disant que le temps lui apporterait bien la réponse. Les yeux plissés, elle suit du regard la silhouette qui s’éloigne, se demandant ce qu’elle a bien pu faire à celui-ci pour qu’il se mette en tête de la torturer.

jeudi 21 août 2014

C'est le diable qui tient les clés du paradis

L’innommable n’a pas dormi longtemps ni d’un sommeil constant. La froide humidité de l’atmosphère des souterrains, la rumeur agaçante des grottes et les échos de la jungle, plus lointains mais non moins bruyants l’ont réveillée maintes fois. Elle a décidé assez rapidement de renoncer à se rendormir encore une fois et s’est donc relevée. Seule satisfaction au lever : la température de son corps semble avoir fini ses caprices et elle n’éprouve plus qu’une fraîcheur assez légère, un air pur lui caressant la peau, somme toute pas désagréable. Elle s’avance jusqu’aux barreaux qui ferment l’avant de sa geôle, décidée à tromper l’ennui qui commence tout juste à la gagner.

Elle sera gâtée puisqu’une silhouette masculine émerge peu à peu de la pénombre au fur et à mesure que ses pupilles s’y habituent. Un fin sourire étoffe ses lèvres d’un pli délétère. Ses deux mains se cramponnent à des barreaux verticaux adjacents.

Al’Ka reste statique à observer le phénomène féminin qui a été capturé. Il ne s'y était pas intéressé jusqu’à ce matin et découvre avec effarement une frêle silhouette qui ne semble même pas souffrir de la fraicheur et de l'humidité de la pièce. Son visage se lèvera un instant, observant le plafond poreux qui laisse passer la pluie par un incessant goutte-à-goutte bruyant et humide. Sa prunelle revient à cette femelle qui approche de lui sans peur, gardant le silence et un rictus moqueur

L’innommable a cet air curieux qu’ont les fauves nés en captivité. Elle paraît calme et presque douce, d’une docilité absolue mais une vive sauvagerie plane au fond de ses iris violets. Une menace. Elle respire calmement, d’un souffle paisible et régulier. Les traits harmonieux de son visage se sont parés des marques de la fatigue, des cernes assombrissant l’entourage de ses yeux clairs. Cela lui donne un petit air lugubre qui n’est pas dénué de charme. Elle baille outrageusement, ne prenant pas la peine de remuer une main afin de le masquer. Elle ne quitte pas le Mamba du regard, le détaillant de haut en bas, le déshabillant de ses prunelles comme si elle cherchait à en trouver l’essence. Elle nota le rictus de l’individu, arquant un sourcil intrigué.

Al’Ka avancera avec cette curiosité qu'entraine la nouveauté. Il découvre une nouvelle blanche qui ne semble pas le craindre et ca a le mérite de le remettre dans une certaine humilité. La première… Sonia… n'est que courbes aguicheuses et ondulations lascives pour attirer la main masculine et asservir de désir... Celle-ci, plus froide donne cette frustration de ne pas plaire ou de juste ravir le regard. Il penche le visage de coté et puisqu’elle ne prend pas la parole il posera les questions en premier : « Qui es-tu ? »

L’innommable ne le quitte pas des yeux. Après s’être longuement regardés en chiens de faïence, il semblerait finalement que le moment de parler soit venu. Elle glisse lentement ses mains closes sur les barreaux qu’elles agrippent, dans un geste à la fois souple et libidineux, pour finalement les en retirer :

« Je suis un piège. »

Qu’était-elle d’autre, que cette arme terrible, inventée par caprice ? Elle coule ses iris mauves dans ceux du Mamba. Ils s’y attachent. Plus un instant de répit. Son regard pénètre le sien, brutalement et sans égard, plongeant au plus profond de celui-ci « selon ce qu’on fait ressortir de moi… », souffle-t-elle d’une voix ténue, « je suis la mort ou le paradis. »

Al’Ka avance naïvement vers la femelle et semble intrigué par ses mots. Son regard clair fixera les lèvres quand elles laissent passer ce mot qu'il traduira rapidement : "piège". Sa main vient transpercer les barreaux et cherche à la toucher pour comprendre en quoi cette simple femelle au corps fragile pourrait leur nuire. Il avait déjà des doutes pour Sonia… Jolie chose qui charme les guerriers et qu'il soupçonne d'être une nuisance envoyée par les blancs pour les empoisonner après avoir couché avec eux... Mais celle-ci… Que pouvait-elle être ? Al'ka était un esprit simple et assez primitif ; rarement attendri et juste effrayé par les superstitions de sa religion aussi sourira-t-il avec ironie :

 « Tu es dans une cage kike… faible... Et je te mettrai un collier pour servir mon peuple. Est-ce  ce que veulent tes Icatanka pour nous détruire ? »

L’innommable se met à remuer les doigts avec une pointe de nervosité. Ses ongles longs viennent pianoter sur le métal de la grille. L’un d’eux s’y frotte dans un crissement ténu. Sa bouche s’entrouvre pour recracher une longue exhalaison d’air brûlant. Son pouls est toujours calme et régulier. Une légère vibration court sur son échine lorsque le Mamba avance la main dans la cage, probablement engendrée par le froid ou par quelque inexplicable source d’excitation : « C’est le destin qui m’a envoyée ici » lui répond-elle alors que sa main droite vient trouver celle du sauvage, ne lui laissant pas le loisir de toucher le reste de son corps.

Ses doigts cherchent à s’entrelacer aux siens, comme une araignée refermant son emprise sur la proie qu’elle vient de prendre dans sa toile : « Es-tu vraiment prêt à courir le risque ? » demande-t-elle avec amusement, sans préciser que s’il décidait finalement de la servir au dîner, le risque serait encore plus grand.

Al’Ka plisse le regard, clairement perturbé par les réactions de cette femelle qui lui fait face. Il est de ces humains qui communiquent beaucoup par langage du corps et les messages qu'elle lui envoie sont complètement brouillés… Le contact des doigts sur sa main lui fait retrousser les lèvres de façon bestiale, laissant apparaitre ces dents limées propres au peuple Tharlarion . Si son bras se contracte nerveusement, il ne se retirera pas, une prise plus ferme sur les doigts révélant sa force a la fille. Il feule, réaction animale a quelque chose qu’il ne comprends pas et au lieu de reculer avancera face a elle pour que leurs visages se touchent presque au travers de la grille. Le regard est brulant de colère, le corps tremblant de colère contenue :

« Si tu touches un seul des miens je te tuerai. »

L’innommable frissonne à nouveau. Elle est grisée. Elle a toujours agi sur ordre, arme redoutable et parfaite, éduquée pour n’avoir aucun remord. Mais désormais, elle est en roue libre et la tâche s’avère plutôt ardue. Aucun de ses gestes n’est légitimé par un ordre. Elle n’en reste pas moins la chose irresponsable qu’on l’a entraînée à être. Toute cette nouveauté provoque chez elle un bouillonnement intense. La sauvagerie du Mamba l’embrase. En termes de force pure il la surpasse de loin et elle abandonne facilement ses doigts à la puissance des siens. Leurs visages se retrouvent si proches. Leurs souffles se mêlent. Et la tentation de l’embrasser, là, la prend aux tripes. Instiller la mort en cet être si fier, si beau, si vivant. Elle ouvre la bouche quelques secondes. Son cœur s’excite dans sa poitrine. Fini le calme.

Sa voix s’élève finalement : « Et si ce sont eux, tous seuls, qui viennent se jeter dans le gouffre ? », demande-t-elle avant de reculer rageusement le visage. Elle est haletante. Elle avale le surplus de salive qui a abondé dans sa bouche.

Al’ka plane. Il sait que le montrer serait une faiblesse aussi répond-il simplement à cette perturbation par la rage. La seule marque sera une lueur inquiète dans sa prunelle dorée aussitôt remplacée par la colère pure. Il vient d'un geste sec retirer sa main et frapper le bois de la cage pour que le bruit de son poing contre la matière la fasse reculer. Il voit clairement en elle la dangerosité de l'Ost... si fin… si beau… si mortel. Ses locks s'agiteront comme pour retrouver des idées claires et un grincement de crocs sera le signe d'une prise de décision trop hâtive :

« Profite de tes dernières Ahns créature. Je vais prendre ton cœur et m'en régaler... Mais avant... Je veux te voir plier de froid... de faim et de peur. »

Il bondira vers l'avant et claquera de nouveau la cage dans un bruit assourdissant : « Piège… être ta cage… et mon peuple te verra plier. »

Kah revient vers les cages et sursaute vivement en entendant le choc contre le bois, elle remarque l'Inkosi devant la cage de la kajira empoisonnée, intriguée elle s'approche, restant à distance pour ne pas subir la colère du chef, elle le salut néanmoins sur la réserve « Hou ! »

L’innommable contemple d’un œil presque scientifique la succession des émotions dans le sauvage. La peur, la colère. La haine, peut-être. Elle a toutefois reculé légèrement. Peur ou simple prudence, elle-même ne pourrait le dire. Pourquoi n’a-t-elle jamais inspiré la pitié ? N’est-elle pas, après tout, elle-même une victime ? Elle blêmit quelque peu lorsqu’il annonce qu’il a décidé de la tuer après l’avoir laissée dépérir. La vipérine se fait alors plus douce. Pourtant, la brutalité du sauvage éveille chez elle des désirs pressants et peu recommandables : « Avant de prendre pareille décision… » murmure-t-elle d’un ton caressant dans lequel perce tout de même quelque tremblement, « goûte mon sang. » Elle est sûre d’elle mais un peu moins rassurée qu’au départ. Elle revient se placer tout près de la grille et lui tend son bras gauche, à travers les barreaux. La chair qui le tapisse est lisse et ferme.

Al’Ka se retourne vivement au son dans son dos. On voit assez vite a son comportement qu’il sort clairement de ses gonds. Il est pourtant. d'une nature assez égale et ses rages violentes sont souvent douloureuses mais principalement déclenchées par des erreurs l’entourant. Il semblerait que l'attitude de la prisonnière le perturbe assez de rage pour l’aveugler. Quand il la verra aussi calme, l'esprit du Tharlarion qui est le sien y verra une attaque, cette main tendue une offense a ses ancêtres et a son peuple qui a toujours inspiré la crainte.

Il se propulse vers l'avant pour punir cette kike arrogante, plongeant dans le piège aveuglement et visant de ses crocs ce bras étiré qui devrait se cacher de  sa morsure. Avec l’habitude du prédateur il viendra d'un geste vif et percutant enfoncer dents taillées dans la chair marquant le bras des empreintes de ses émaux transformés en crocs. Le gout d'hémoglobine explose aussitôt dans sa bouche et un impact puissant repousse la fille en arrière, la projetant au sol comme s'il cherchait a la briser.

C'est les lèvres suintantes de sang qu'il hurle : « Je t'arracherai le coeur ! » juste pour lui faire ravaler cette assurance anormale en pareille situation.

Kah se souvient des mots de la fille la veille et regarde son bras comme fascinée... il attend de voir ce que le mamba va faire, prête à le mettre en garde s'il tombe réellement dans le piège sans doute mortel, au mieux dangereux... Elle ignore si c'est réellement le cas mais la prudence titille tous ses instincts... mais elle n'a pas le temps d'agir, elle pousse un cri et s'approche de l'Inkosi les yeux effrayée elle lui ordonne contre toute logique ou prudence vu l'état dans lequel il est : « Inkosi ! crache ! N’avale pas ça ! » ayant enregistré la mise en garde elle craint le pire...

L’innommable ne retient pas ses cris et ses lèvres expirent un long râle de douleur lorsque les crocs cèdent à la vive tentation de la morsure. Elle décoche au passage un regard étrange à la petite blonde derrière. Elle se fait renvoyer brutalement en arrière, à la souffrance de son bras s’ajoute celle de l’ensemble de son corps qui heurte le sol avec violence, lui arrachant un nouveau gémissement, presque sensuel. La brutalité, elle y est habituée. Nul n’est tendre avec les monstres comme elle. Elle reste au sol quelques instants, sonnée. Sa respiration s’est faite lourde et bruyante. 
Il aura pu sentir le goût singulier de son sang, plus amer que la normale. Et si quelques gouttes de celui-ci ont franchi son gosier, il éprouvera sans tarder le bien-être intense que provoque ce nectar. Cette sensation étrange de n’avoir besoin de rien. Ni faim, ni soif, ni désir… Tout en se redressant, geignant aux appels douloureux de son corps meurtri, elle relève le visage vers lui. S’il y a goûté, il est perdu. Pas mort, non, son sang ne tue pas. Mais il y reviendra forcément. Pour éprouver cette plénitude artificielle.

Al’Ka ressent tardivement le contact de Kah derrière lui. Plusieurs déglutitions ont déjà mis le liquide dans son corps et pourtant il crachera le reste de sang au sol devant la cage de la captive. Dressé face à elle, il la toise de toute sa hauteur avec un grognement rauque et discontinu. Sa main vient rassurer la jeune femelle a ses côtés en se posant sur son épaule, les tremblements l'agitant montrant cette rage sourde que l empoisonneuse a réussi à déclencher en lui. Il semble se calmer, se détournant vers Kah et plissant le regard pour retrouver un peu de sérénité.

 Il répète plus calmement comme une promesse : « J'arracherai… son… cœur... »

Son assurance vacille… Sa tète s'embrouillant sous le gout particulier du sang et le plaisir intense qu’il en ressent. Un râle rauque lui échappe , sa langue venant comme une hélice prélever le reste d'hémoglobine sur ses lèvres.

Kah observe le mâle les yeux plissés et sent sa main ferme et son regard qui n'écarte en rien son angoisse... Elle oublie la fille en cage, ouvrant ses sens vers le chef qui semble changer, alors qu'il était plein de rage brute un instant plus tôt sa prise se relâche sur son épaule, et ses mots s'allongent comme endormi légèrement... Il a l'air d'aimer ça et ça l'intrigue... Elle n'a jamais vu de mamba goûter la chair humaine et se demande si c'est cette étrange sensation qui se dégage comme dans les fumeries de kanda où les hommes semblent flotter dans une plénitude provoquée par les substances ingérée... Elle tend ses muscles, prête à courir chercher Tarik si jamais il semble défaillir...

L’innommable noue une main vibrante autour de son poignet. Elle trémule. C’est un pari risqué qu’elle a fait là et elle en est parfaitement consciente. Sa gorge est nouée et un étau puissant lui paraît écraser son estomac. Elle est à la fois terriblement excitée et légèrement angoissée. La douleur au poignet lui rappelle le seul qui n’ait jamais consommé son sang avant Al’Ka. Asclepius, le vipérin. Elle gémit doucement, ayant perdu ses moyens. La folie flamboie dans son regard. Celui-ci s’emplit de larmes. Elle ne semble pas triste pourtant. Son rire se met à résonner dans les grottes, pur et cristallin, aussi innocent que celui d’une enfant. Est-ce bien le sien ? Elle se met à lécher le sang sur son poignet, regrettant à l’instant qu’il n’ait aucun effet lénifiant sur elle. Nouveau geignement.

Elle se met finalement à parler, d’une voix langoureuse et plaintive : « Ce n’est que mon sang… Le paradis », elle renverse la tête en arrière. Envie de pleurer, elle ne sait pas pourquoi : « Il y a bien plus dangereux en moi. » Elle regarde finalement la fille. Mal. Elle a mal. Pleurer. Elle secoue la tête : « Il n’y a pas à s’inquiéter, vraiment pas… » Sa voix est de plus en plus faible. Elle presse à nouveau la main sur son poignet. Elle se retourne, va se réfugier au fond de la cage.

Kah se dégage de la prise d'Al'Ka et va se coller à la grille, ses gestes sont vifs et précis comme lorsqu'elle est en chasse et la crainte pour la chef de la tribu qui l'a recueillie, laisse place à un questionnement et à une certaine colère aux mots de la fille, elle saisit sa hache et frappe les barreaux, lui intimant d'un ton catégorique de répondre « Que lui as tu fait? Qu’est-ce qu'il y a dans ton sang qui a trait au paradis?! Cesse de parler par énigme et explique-toi ! »

Al’Ka secoue les locks de nouveau, sa pupille anormalement rétrécie affiche qu’il est touché. Sa cervelle embrumée par quelque chose l'empêche de réfléchir correctement. Il s'ébroue et vient de nouveau essuyer son menton du reste de sang. Un nouveau son rauque lui échappe quand un a un il viendra lécher ses doigts garnis de sang… La position jusque là dressée perdant en hauteur alors qu’il semble se délecter en effet du goût puissant qui se dégage de ce sang.

Ce que peu savent c'est qu'Al'ka a déjà été anéanti par l’addiction : celle, puissante et asservissante, du Kanda à trop forte dose… Un pas en arrière le fait vaciller. Il a besoin de repos, ses accès de rages ne l’assomment que rarement autant. Il laisse l’empoisonneuse face a la nouvelle Jang’Ka pour comprendre son geste et s’éloigne en grognant.

Kah tourne la tête entendant le pas lourd et titubant du chef qui s'éloigne, il est clairement atteint par une drogue ou un poison quelconque..., elle fait grincer ses dents de nervosité, se tournant vers la fille prostrée, cherchant sa réponse avant de devoir lui soutirer.

L’innommable ne semble plus entendre ce qu’on lui dit. Si elle donne le sentiment, au premier abord, d’être impassible et insensible, ce n’est qu’une illusion rondement menée. En réalité, elle est très instable. Elle se met à sangloter, collant le front contre la paroi du fond. Elle a gardé les doigts noués sur la plaie à son bras. Elle reste ainsi quelques secondes, à se battre contre ses propres démons. Elle parle parfois, mais trop bas pour être entendue. Finalement, elle pivote sur ses pieds. Ils pourront distinguer son ombre qui vrille dans les ténèbres pour leur faire face : « Il ne court aucun danger », explique-t-elle d’une voix rauque et vacillante, « sauf, peut-être… S’il me dévore le cœur. » Sa voix s’éteint à nouveau. Elle gronde. Elle se laisse glisser au sol, comme une poupée désarticulée. Elle paraît aussi faible qu’elle semblait forte quelques instants auparavant.

Elle ferme les yeux. La douleur lui renvoie toujours un visage : « Père… », geint-elle avant de sombrer dans l’inconscience.

mercredi 20 août 2014

Piégée

Pryderi ferma la porte derrière eux. Il souriait, de cet air froid et constant que Rhiannon lui avait toujours connu. Elle était sonnée. Ils s'était tous deux murés dans un silence opaque, durant le voyage de retour, comme s'ils n'avaient rien à se dire. Mais surtout, elle s'était surprise elle-même à douter de ce qu'elle avait réellement vécu. Était-elle en train de tomber folle ou s'était-elle faite piéger ?

Leur entrée dans le palais familial avait été remarquée mais le reste de la famille, étrangement, s'était bien gardé de venir souhaiter la bienvenue à l'historienne.

Aussi s'étaient-ils naturellement dirigés vers les appartements qui étaient les siens lorsqu'elle vivait à Ar. Ils étaient désormais seuls, son frère ayant froidement congédié tous les domestiques qui les peuplaient.

« Je suis vraiment heureux de te voir de retour ici, petite sœur. »

Il lui parut sincèrement ravi. 

« Tu sais qu'ils ont découvert que la mort de Père n'était pas accidentelle ? » lui demanda-t-il tout en se tournant vers elle avec un rictus infâme sur les lèvres, « Il a été empoisonné. Devine par qui ? »

Un frisson d'horreur parcourut la nuque souple de Rhiannon. Pryderi était devenu le chef de la famille, depuis la mort de leur père... Ses lèvres articulèrent quelques syllabes mais les sons refusèrent d'émerger de son gosier. Les mots s'y étranglaient. Son frère la fixait d'un regard fou. Il vint jusqu'à elle, glissant les doigts dans le satin clair de sa chevelure blonde :

« Par toi, Rhiannon. »

Elle écarquilla les yeux. Il était vrai qu'elle était probablement celle qui avait accumulé le plus de rancune à l'égard de son père mais jamais elle ne serait allée jusque là. Il ne l'avait pas ramenée à la maison par amour fraternel. Il l'avait ramenée ici pour blanchir son propre crime.

« Et maintenant que tu es à Ar, tu vas pouvoir être jugée... »

Il l'embrassa sur le front avant de se mettre à rire avec légèreté. Il s'écarta finalement d'elle et quitta la pièce sans ajouter quoi que ce soit. Elle entendit le cliquettement d'une serrure. Elle se précipita sur la porte mais il était trop tard. 

Elle était piégée.


Abandonnez toute espérance




Elle se tenait debout, superbement dressée au-dessus des deux hommes qui gisaient à ses pieds. Vêtus d’étoffes rudes et rêches, armés jusqu’aux dents, ils avaient le profil si particulier des hors-la-loi. De ce qu’elle avait compris, c'était des mercenaires payés par quelque illuminé qui désirait ardemment mettre la main sur elle. Au point de les envoyer la capturer à la lisière du Nord, là où résidait sa propriétaire. La redoutable Haerran. 

Les malheureux, cependant, n’avaient pas suivi à la lettre les consignes pourtant précises de leur commanditaire… L’un d’eux, plus mort que vif, leva une main tremblante vers la créature : 

« Que… nous as-tu… fait… sa… sale… petite garce ? » 

L’innommable baissa sur lui ses iris mauves, dédaigneuse. Elle répondit d’une voix impitoyable dont le timbre même parut vide d’émotion : 

« C’est vous qui l’avez fait vous-mêmes. Vous êtes lamentables… » 

Il tenta de refermer la main sur le galbe de son mollet. Elle le repoussa d’un coup de pied avant de s’en écarter. Le bras retomba lourdement sur le sol humide. Elle décocha une œillade inquisitrice dans sa direction. Il était mort.

Elle se retrouvait seule pour la première fois de son existence et cela lui procurait le sentiment détestable de n’avoir plus personne à tourmenter. La sensation désagréable de devoir compter sur elle-même. Son regard violet courut autour d’elle, s’agrippant aux lianes pour se hisser jusqu’à la cime des arbres, roulant dans l’eau claire des cascades en se noyant dans la blancheur de leur écume, s’accrochant aux plumes colorées de tel oiseau ou se figeant sur l’ombre minuscule de telle fourmi, là, entre les herbes denses. Un profond soupir émergea des abysses de son gosier, marquant un certain découragement. Coup d’œil désappointé vers les deux cadavres. Pourquoi ces idiots avaient-il cédé si vite ?

Elle se retrouvait perdue au milieu d'une jungle dont elle ne savait rien, dans un environnement qu'elle devinait quelque peu plus hostile que les belles rues d'Ar ou que les paisibles chemins d'Haldor. Un environnement sur lequel elle n'avait nulle emprise... C'est alors que ses iris heurtèrent le dessin régulier de constructions humaines, là-haut, sur les hautes falaises de pierre.

Un sourire malsain se dessina lentement sur les lèvres impures. Là où il y a des hommes, il y a de l'espoir. Pour elle, en tout cas.


dimanche 17 août 2014

Désillusion



« Rhiannon ? »

Elle ouvrit les yeux. La première chose qu’elle vit fut une haute voute de pierre sombre et mousseuse puis le visage de son frère aîné se dessina dans son champ de vision. Il était penché sur elle. Elle écarquilla les yeux.

« Pryderi ! » souffla-t-elle d’une voix tremblante.

Dans un réflexe assez singulier, la main de la blonde glissa jusqu’à son propre cou, descendant jusqu’à sa poitrine dans la quête d’un objet bien particulier. Rien. Le collier d’Al’Ka avait disparu. Elle redressa son corps douloureux. Son frère était accroupi auprès d’elle. Il l’avait menée dans une sorte de temple en ruine. A l’entrée, elle distingua les deux ombres massives des gardes du corps qui l’accompagnaient. La voix de la petite blonde s’éleva à nouveau dans l’air humide :

« Le collier que je portais, qu’en as-tu fait ? »

Il parut surpris, la fixant quelques secondes de ses yeux étonnés. Ce voyage dans la jungle l’avait-il rendue folle ?

« Tu n’as jamais porté de collier, Rhiannon… »

Elle s’inspecta plus en détail. Elle était nue sous la couverture dans laquelle il l’avait enveloppée, nulle trace de peintures sur sa peau. Il lui désigna un petit paquet de vêtements, déposé à côté d’elle. Puis il se releva. Les effusions d’amour étaient perçues comme inutiles dans la famille.

« Habille-toi, Rhiannon. Nous partirons dès que possible. Le voyage est très long jusqu’à Ar. »

Elle le suivit du regard tandis qu’il s’éloignait, dos à elle. Pourquoi était-il venu jusqu’ici ? Elle pensait n’avoir aucune sorte d’importance pour la famille… Était-ce lui qui l’avait assommée dans la jungle ? Savait-il qu’elle avait tué ses gardes du corps ? Avait-il ramené la dague jusque dans le camp des Jang’Ka ? Etait-il cette ombre lugubre aperçue sur la plage lors d'une nuit d'orage ? Elle se releva totalement, conservant la couverture enroulée autour d’elle.

« Et les Mambas ? », demanda-t-elle d’un ton plein d’espoir.

Pryderi tourna la tête de trois-quarts et se mit à rire comme si elle avait raconté une ineptie.

« Quels Mambas ? Ils n’existent pas, tu le sais bien. Ce n’est qu’une légende… Cette histoire de Mambas te rend vraiment folle, petite sœur. Tu ne te souviens pas ? La dernière fois, déjà, tu as passé plusieurs mois à les chercher dans la jungle. Et tu n'as rien trouvé, Rhiannon. Rien d'autre que quelques Pygmnées bien décevants...»

Elle lâcha la couverture.

vendredi 15 août 2014

What else ?

« Tu auras fait le mal à un être humain, et tu seras aimé du même être : c’est le bonheur le plus grand que l’on puisse concevoir. »
Lautréamont, Les Chants de Maldoror


 Sigfried ne semble pas sourire lui oh que non, les esclaves il commençait à en avoir plein les bottes... il soupire un instant devant l'innocence de la rouquine.. Une autre longue rasade d'hydromel vient parcourir sa gorge. : « Mille fois tu as dit c'est ça ? Et pourquoi es tu prête à subir mille fois ma colère que d'être responsable de celle ci ? »

Nacyra remarque la mauvaise humeur de Sigfried. Elle continue de sourire parce qu’elle lui est finalement reconnaissante de l’avoir tirée hors des griffes de Sonia. Non pas qu’il soit moins dangereux, bien au contraire… Mais Sonia appartient à un passé avec lequel Nacyra veut rompre. Elle se hisse sur la pointe des pieds pour chuchoter au Nordique : « Parce que j’aime ta colère, mon jarl », elle ajoutera toutefois, « je ne veux plus rien avoir affaire à elle. Elle a eu trop d’emprise sur moi autrefois. »
Sigfried finira alors sa corne d'une traite, il la jettera aussitôt par dessus son épaule... Sa main une fois libérée viendra se saisir de la gorge de Nacyra, l'empoigner assez fermement pour attirer son visage contre le sien. Il laissera ses lèvres effleurer celles de la rouquine, une légère lueur lubrique semblant se dessiner dans son regard. Il semble prendre une longue inspiration comme pour essayer de se contrôler : « Ma colère te plait ? Je croyais pourtant que tu me trouvais trop dangereux pour toi.... A moins que ta raison n'ai décidé de suivre ton corps, et que tu ais décidé d'abandonner la lutte pour enfin comprendre que tu m'appartenais... » Il plisse les yeux venant mordiller la lèvre inférieure de son esclave. «  Si c'est le cas, il va falloir que je commence à réfléchir pour te trouver un nom. Mais il m'en faudra un qui pourra te remémorer chaque jours que ton passé n'existe plus, et que dorénavant tu n'es plus qu'une petite chose que je vais sûrement réduire en poussière par simple caprice. »

Nacyra n’oppose aucune résistance face à l’empoignement brutal mais un long spasme sillonne son corps tout juste nubile. Il pourra sentir que le souffle de la rousse s’accélère brutalement. Elle ferme les yeux. Trois secondes passent. Elle les compte. L’odeur de Sigfried, sa voix, sa bouche qui est si proche… Elle rouvre les yeux pour plonger les pupilles dans le regard émeraude de son maître : « Je t’appartiens, mon Jarl. » Elle l’avait su à l’instant même où Sonia l’avait étranglée, quelques heures auparavant, et où le visage du Nordique lui était venu à l’esprit en une vision à la fois effroyable et délicieuse. Il n’était pas un substitut de Sonia, comme elle l’avait imaginé au début… C’est Sonia qui était devenue un pâle substitut de lui : « Je t’appartiens », répète-t-elle avec une délectation tout à fait délétère.

Sigfried affichera un large sourire et viendra cette fois ci transformer son mordillement en véritable morsure. Il lui offrait pour la seconde fois un baiser d'esclave, mais cette fois ci... Quelque chose semblait différent, tant dans la manière de procéder, que dans l'intention donnée... Il n'avait cette fois ci pas mordu de manière à rappeler à la rouquine sa place, sa position, mais bel et bien comme pour affirmer ce qu'elle venait de dire. Comme pour appuyer le fait qu'elle était sienne et n'avait pas d'autre choix. Sa main de libre viendra alors glisser au creux des reins de son esclave pour la presser sèchement contre lui, un geste ferme, brutal presque, qui aurai même pu lui couper la respiration tant le choc avait été soudain... Il reculera enfin son visage comme galvanisé, triomphant pour lècher la lèvre meurtrie de Nacyra : « Alors si maintenant tu es consciente de ce qui t'attends, on va enfin pouvoir commencer à avancer... Et surtout, je vais pouvoir me rendre compte de quoi tu es vraiment capable.... me supporter n'est pas de tout repos, beaucoup en sont mortes. »

Nacyra  ferme à nouveau les paupières tandis qu’il la mord, la douleur se diffusant rapidement sur la chair délicate de sa lèvre. Leurs corps se percutent, son cœur s’emballe et sa respiration s’affole. Ses mains, glissées sur les épaules de Sigfried, se mettent à trembler subtilement. Elle restera muette et immobile, presque statufiée, durant de longs instants. Puis, ses yeux offriront à nouveau leur transparence à la lumière du jour et viendront se planter droit dans ceux du Nordique : « Mais ne suis-je pas la seule qui éveille tes démons, mon Jarl ? » demande-t-elle du ton le plus sucré du monde, d’une voix de petite fille presque angélique. Elle en joue. Paradoxalement, le fait d’être capable de le mettre dans cet état second apparaît plutôt comme une pénalité pour elle. Un élément réduisant drastiquement sa durée de vie… Sa main droite remonte jusqu’à la joue du brun qu’elle effleure avec une certaine tendresse : « Je suis née pour te supporter. »

Sigfried semblera amusé par l'attitude de Nacyra autant que par ses paroles... Sa main de libre glisse soudainement entre les cuisses de l'esclave, venant empoigner son intimité fermement. La paume largement pressée sur ses lèvres, le pousse pressé contre son pubis, les autre doigts se resserrant sur son fessier : « Aucune jusqu'à présent n'avait réussi à me mettre dans de tels état, à créer de telles envies de destruction. Jamais ce n'était arrivé à ce point là. Cependant, ce état de fait réduit considérablement ta durée de vie... Quand bien même, je m'en repais… » Resserrant alors ses emprises, il tournera pour obliger sa bond à faire dos au grand hall... Une fois fait il la repoussera sans ménagement. Son seul but était de la voir reculer bien assez fort pour se heurter contre la pierre de la bâtisse. Ses grands yeux verts rivés sur le corps de la captive. Son souffle s'était fait plus rapide, comme lorsqu'il devait lutter en son fort intérieur entre l'envie de la baiser sur place ou de la rouer de coups. : « Tu es faite pour me supporter ? Tu es en train d'insinuer que les dieux t'on créé pour me satisfaire pleinement dans chacun de mes vices ? »

Nacyra  reste étrangement silencieuse alors que la main de Sigfried vient généreusement envelopper son entrejambe. Elle se mordille la lèvre inférieure, ravivant au passage la douleur de la morsure. Elle sait qu’elle risque la mort à chaque étreinte avec lui. Elle est si fragile, lui si brutal. Il suffit qu’il frappe un peu trop fort, qu’il serre un peu trop longtemps… Elle constate avec horreur que c’est ça, aussi, qui lui plaît. Il la repousse vivement contre le mur du grand hall. Son corps le heurte. La pierre irrégulière érafle la peau diaphane de son dos, par endroits, mais sa chevelure amortit tout de même un peu le choc. Elle relève lentement le visage. Elle a les joues en feu. Un air lubrique fait scintiller ses iris céruléens. Elle souffle d’une voix tellement licencieuse qu’elle semble souiller ses lèvres innocentes  à chaque mot prononcé : « Tu ne trouves pas ça étrange ? Jamais aucun homme ne m’a réellement excitée en ce monde… Ils disaient tous que mon éducation était un échec. Je devrais me sentir plus malheureuse que jamais d’être à toi… Et je l’ai été. Mais depuis l’autre fois… », elle ferme les yeux et se met à rire. D’un rire à la fois enfantin et névrosé, « Tu es le seul qui puisse me posséder. Et je suis la seule qui puisse te satisfaire pleinement. »

Sigfried s'approche alors lentement, pas après pas... Il semblait comme possédé par ses pulsions les plus basses. Comme enivré par les mots qu'elle prononçait. Un pas, encore un autre. Les poings serrés... Il n'était plus qu'à quelques centimètres de la captive... Il viendra frapper de ses poings de chaque coté du visage de l'esclave... Son corps semble suivre le mouvement pour se presser contre le sien, et même immobiliser la petite chose fragile entre la pierre et sa musculature. Le coup qu'il avait donné dans la pierre de ses poings n'avait pas été délicat, il avait frappé comme pour décharger une tension en lui, le coup aurait presque pu en faire vibrer la pierre et déchirer les bandages qu'il portait souvent aux mains. : « Nous verrons bien si tu vas être capable de me combler... parce que si tu viens à mourir... Tu auras simplement échoué. Tu dis être faite pour moi ? Moi j'en doutes... la mort est un échec. Une déception. »

Nacyra ne semble en rien effrayée par les deux coups brutaux qui auraient pourtant pu leur coûter la vie en une fraction de seconde. Elle le contemple, les pupilles perdues dans les siennes, admirant avec une nette fascination à quel point les idées de violence du Nordique les font scintiller : « Tu en doutes ? », lui glisse-t-elle avec badinage. Elle vient enfouir le visage dans le creux de l’épaule droite de son bourreau et y presse ses lèvres brûlantes et douloureuses contre la peau de son cou. Elle hume son parfum pour en imprégner son odorat puis sa bouche remonte lentement jusqu’à l’oreille de Sigfried. Là, elle lui chuchote, dans une émanation à la fois ténue et épicée : « Tu ne me tueras pas, mon Jarl. Ce serait trop facile, tu ne crois pas, que de me laisser mourir ? » Elle vient  alors mordiller le lobe de son oreille, du bout des dents. Uniquement provoquer un frisson. Nulle douleur.

Sigfried laissera immédiatement retomber ses mains sur les cuisses de Nacyra au moment ou elle mordillera son oreille, provoquant chez lui un frisson, une envie de la prendre comme un simple paga slut. Il se mord la lèvre comme pour contenir cette envie, mais l'humeur n'était pas là, non.. Il voulait jouer de son esprit, de son mental, il voulait la pousser encore et encore, voir à quel point les mots qu'elle avait prononcé pouvaient être vrais.. Il la soulèvera un instant pour venir la gratifier d'un coup de reins, dévoilant ainsi la lubricité qu'elle éveillait en lui. Il pressait son bassin bien assez fort contre le sien pour la laisser ressentir sa queue palpitante, comme si elle hurlait afin de sortir de sa prison, se glisser entre les chairs humides de la rousse et la prendre pleinement... Pourtant... Après quelques secondes immobiles, le souffle court. Il se reculera pour la relâcher, la laisser ainsi, sans lui prêter plus d'attention. : « Je te tuerai si tu me déçois, si tu ne me comble pas. Et je n'aurai aucun remord à le faire » Il se retournera pour prendre la direction de chez lui. « Veille à toujours contenter mes démons Fristelse » Il venait de la nommer, lui donner un nom qui à ses yeux lui allait comme un gant.

Nacyra éprouve une vive satisfaction lorsqu’elle croit que Sigfried va enfin la prendre, contre ce mur, sans autre forme de procès. Mais la frustration prend rapidement la place de l’excitation. Son souffle s’est emballé et tout son corps vibre de désir, même après avoir été délaissé par son cruel propriétaire. Elle le suit d’un regard choqué tandis qu’il s’éloigne peu à peu. Etourdie par l’envie, elle glisse lamentablement au sol, s’asseyant dans un soupir de déception. C’est alors qu’il la nomme. Elle relève le nez : « Fristelse » répète-t-elle d’un ton troublé avant d’ajouter, hausse un peu sa voix tremblante pour être sûre d’être entendue : « Je te comblerai, mon Jarl ! Je ferai tout pour te combler… » Elle ne se reconnaît pas. Lâchant un nouveau soupir frustré, elle glisse une main entre ses jambes, comme pour essayer de faire taire son bas-ventre qui la chatouille encore.