vendredi 25 juillet 2014

La leçon II




S'Wari débarque au niveau du feu de camp, ayant entrevu de loin que ces deux élèves s'y trouvaient réunis : « Hou tous les deux ! » fait-elle d'un ton enjoué. L'occasion de faire d'une pierre deux coups la rend quelque peu euphorique : « ça tombe bien vous soyez tous les deux ici. » Un grand sourire, un peu cruel, illumine son minois de poupée tandis qu'elle les regarde tour à tour..

Tarik avait finalement fini ses tresses de lianes, il y en avait un bon tas maintenant. Restée près de yali et du bébé qui dormait toujours a coté de lui, Tarik relevait le nez vers S’wari avec un sourire fatigué... Les cours de langue… Pas certaine de pouvoir suivre en étant bien concentrée, elle désignait la place près d'elle a la jeune prof blanche

S’Wari s'installe sur le rocher, entre Tarik et Yali. Elle croise les jambes dans une position à la fois élégante et sérieuse. Elle remarque que les traits de la jolie brune son fatigués. Ce n'est pas grave, le cours ne sera pas difficile. Il s'agit surtout de les faire travailler ce qui a déjà été vu afin qu'ils prennent de bonnes habitudes. La voix de S'Wari se fait plus douce, plus basse, comme si elle craignait d'éveiller le bébé ou de troubler le calme qui règne autour du feu : « Vous allez essayer de dialoguer ensembles en Mamba. Quelque chose de simple, naturellement. S'il vous manque du vocabulaire, demandez-moi, je vous le donnerai et il vous faudra le retenir. Ça marche ? » L'interaction entre eux devrait faciliter les choses. Normalement...

Tarik tapotait sur les lianes en écoutant les consignes données. Son nez se remettait a s'agiter, démonstration physique liée a son manque de compréhension... Que pourrait-elle bien dire au blond en mamba ? Des mots pour se faire comprendre, des mots qu’elle comprenait..... Il semblait que yali s'était assoupi avec le gosse et Tarik tira une petite moue vers S'Wari.

S’Wari tourne le visage vers Yali qui s'est endormi comme une larve... Elle lève les yeux au ciel, essayant tant bien que mal de sauver la leçon : « Bon... On va dialoguer toutes les deux alors. Concentre-toi bien, je vais parler lentement ». Elle s'éclaircit la gorge avant de parler, prenant garde à bien articuler : « Ninaitwa S'Wari (Je me nomme S'Wari). Wewe unaitwaje ? » (Comment te nommes-tu ?)

Tarik semblait prendre une attitude tout a fait enfantine. Son regard se posait sur les lèvres féminines et elle répétait de manière muette d'abord les paroles de S'wari , son regard quand à lui se faisait tout attentif et ses sourcils se relevaient... sur qu'elle devait avoir une tète a faire rire pour le coup. Elle réfléchissait un instant puis, elle tentait de répondre, son accent taharien encore fort présent... La phonétique était encore a travailler et elle se pointait de l'index « Ninaitwa Tarik »

S’Wari acquiesce. Elle n'a pas quitté Tarik du regard une seule seconde, attentive à sa façon de faire. Elle semble satisfaite. La prononciation n'est pas parfaite mais la phrase est compréhensible et c'est l'essentiel. Elle poursuit, toujours en articulant avec lenteur, découpant bien la construction des mots afin de faire sens au maximum : « Ninatokea Ar. (Je viens d'Ar) Wewe unatokea wapi ? (D'où viens-tu ?) »

Tarik mordillait sa lèvre de l'intérieur, lorgnant sans oser cligner des paupières sur les lèvres de sa prof.... Bon, elle était curieuse la black et il fallait qu'elle comprenne la langue maintenant qu'elle était dedans... Elle savait bien qu'il y avait du travail à faire mais jamais elle ne semblait rechigner.... Elle répétait la première petite phrase et en parlant lentement, ajoutait la seconde.... l'accent était plutôt rigolo mais tant pis... et si elle avait faux, S'wari lui expliquerait surement pourquoi  « Ninaitwa Tarik na Ninatokea Tahari » ... Elle reprenait, penchant la tete de coté « na ? » (et ?) de manière de dire, c'est juste ?

S’Wari acquiesce énergiquement afin de montrer à Tarik qu'elle assure tout à fait. C'est une élève attentive et persévérante. Nul doute qu'elle maîtrisera cette langue assez vite. Cela encourage d'autant plus la petite blonde à lui réaliser le petit dictionnaire promis. S'Wari lui adresse un large sourire comblé : « Sawa ! » (Bien), avant de poursuivre, « Ninazungumza Mamba (Je parle Mamba). Unazungumza Mamba ? (Parles-tu Mamba ?) »

Tarik hochait la tête rapidement, presque aussi contente que S'wari en fait... Elle triturait ses doigts et écoutait les phrases suivantes en se les répétant d'abord... Elle trouvait celle ci plus difficile parce que du coup, pouvait-elle répéter qu'elle parle mamba ? C'est vrai, c'était pas encore ça alors elle réfléchissait, fronçant les sourcils sous l'effort... est-ce que le cours lui permettait de répondre de manière différente même avec des fautes ? Elle essayait, allant d'abord lentement sur les deux premiers mots « Mimi....si ... » hmmmm « ku....kuzungumza Mamba » (je ne parle pas Mamba).

S’Wari lui laisse le temps de formuler sa phrase. Elle sourit toujours, enchantée de voir que Tarik a bonne mémoire, sait manier les pronoms et les négations : « Sawa ! » répète-t-elle. Elle éprouve une certaine fierté, voyant que Tarik s'en sort bien. Elle lui paraît très prometteuse. Elle ne souhaite pas lui embrouiller trop le cerveau. L'apprentissage doit être distillé de façon sporadique pour fonctionner : « Kwaheri (Aurevoir) ! Nimefurahi kukutana na wewe. (Je suis enchantée de te connaître) » Elle la laisse répondre, afin de lui faire réviser comment on dit au revoir -à quelqu'un qu'on a apprécié, en tout cas. Elle lui laissera un peu de répit ensuite. Elle n'oublie pas que son élève est aussi la mère d'un nourrisson, métier épuisant et chronophage.

Tarik faisait un large sourire montrant toute ses dents du coup.... Le temps qu'elle comprenne les mots puis elle répondait toujours avec cette petite hésitation dans la voix « Kwaheri S'wari » ... et alors la... elle faisait un gros effort, jusqu’à en suer « Asante .. euhm...kwa so..mo » (merci... pour la leçon) Elle était fatiguée c'était bien vrai mais elle retenait les mots parce qu'elle saoulait le pauvre gamin en lui parlant avec tout les mots appris, les répétant même trois ou quatre fois... si jan n'apprenait pas la langue avec ca...
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mardi 22 juillet 2014

La leçon

Al'Ka a promis à S'Wari de lui rendre la liberté si elle parvient à enseigner le mamba ancien à deux des Jang'Ka qui ne parlent pas encore cette langue.

Yali suivait l'Inahan sans poser de question. Yali était vraiment quelqu'un de paradoxal dans le choix de son obéissance. Tantôt, il refusait de suivre ceux de l'Inkosi, tantôt il ne créait aucune résistance à suivre celle de l'Inahan. Peut être qu'il calculait lui même l'intérêt pour lui de suivre ces ordres là avant d'agir en conséquence. Au moins S'Wari aura la chance de l'avoir sous la main juste après le bain de la main, autrement elle aurait eu à subir sa présence odorante en plus de son caractère de bosk. Il s'assied devant elle et commence à l'écouter, prônant fièrement un  « J'ai appris le goréen tout seul », sans vraiment savoir qu'il n'avait pas vraiment eu le choix de comprendre la langue, vu qu'il l'entendait tous les jours.

S'Wari écarquille les yeux : « C'est une bonne nouvelle, ça. Une fois que tu auras les bases, tu progresseras vite. » Elle le sonde de ses yeux clairs. Vient-il d'attiser la curiosité de S'Wari ? Elle le questionne, certaines informations pourraient lui faciliter la tâche : « Tu connais d'autres langues que le goréen ? » Elle ne connaît que peu de choses de l'histoire de Yali et après tout, cette leçon de mamba est aussi l'occasion d'en savoir plus.

Yali posait son index vers son anneau nasal, et commence à jouer avec, chose qu'il ne fait presque jamais habituellement. Sans doute une habitude qu'il prenait dans ce genre de situation, ou on lui demandait une certaine ouverture d'esprit et réflexion pour apprendre. Il hochera la tête négativement. « Nai, pas d'autres... », il essayait de se rappeler des termes qu'il utilisait à l'époque... pour les différencier du goréen commun. Le fait qu'il ait appris cette langue tout seul pouvait aussi créer quelques confusions par rapport au mélange de vocabulaire entre les langues, et du coup, ne plus les dissocier.

S'Wari le scrute d'un œil attentif : « Bien...» Elle passe une main pensive dans sa chevelure blonde, jouant de ses doigts entre les cheveux fins et légèrement bouclés par l'humidité de la jungle : « Cette langue n'est pas difficile à apprendre. La première chose que tu dois savoir c'est que le verbe, en mamba, porte toujours le sujet avec lui. » Elle parle assez lentement et articule bien : « Par exemple, pour dire "je suis en train de manger", on dit "Ninakula" ». Elle répète : « Ninakula », avant d'expliquer avec précision : « Ni correspond à je, na à suis en train de et kula correspond au verbe manger. Ni-Na-Kula. Je-suisentrainde-manger. »

Yali hochait la tête positivement, puis essaye ensuite de répéter les termes. « Ni..naakula. » Répétera t-il avec un accent propre à ceux qui vivaient encore plus au sud que les montagnes de Ta-Thassa, les opulents Turiens. « Ninakula. » répétera t-il encore. C'était toujours mieux prononcé, que lorsqu'il avait commencé à répéter les mots d'Isha n'importe comment.

S'Wari le laisse répéter avant de poursuivre : « Si tu veux faire passer ta phrase au passé, il faut changer le NA qui correspond au moment présent. Ainsi, NiLIkula signifie : je mangeai. LI correspond au temps passé. Nilikula. » Elle marque une petite pause pour qu'il enregistre l'information : « NiTAkula signifie je mangerai. Le TA correspond ici au futur. » Elle reprend le tout -l'enseignement c'est l'art de la répétition - : « Ninakula, je mange. Nilikula, je mangeai. Nitakula, je mangerai. » Elle sonde Yali afin de vérifier s'il a tout compris.

Yali plissait les yeux pour calculer toutes les informations. Ce n’était pas une foudre de guerre dans les exercices intellectuels visiblement, mais pour le coup, la chose était bien expliquée. « Nilikula... nitakula, ninakula... ai, ça marche avec tous les mots pareil ? » lancera t-il, bien que ça lui semble un peu trop simple.

S’Wari acquiesce : « Oui, cela fonctionne ainsi. Si tu as la base du verbe pour dire quelque chose, tu sauras désormais l'exprimer à la première personne et dans les trois temps. » Elle laisse un léger sourire filer sur son minois avant de poursuivre : « Si tu veux dire "TU", tu remplaces le NI par WA. WAnakula, tu manges. »

Yali hochait la tête positivement. Pour l'instant il pigeait, les prêtres rois soient loués. Tant que ça ne l'agaçait pas, rien n'était perdu. « J'imagine que je vais devoir apprendre plein de mots. »

S’Wari acquiesce : « Des verbes, bien sûr, que tu pourras désormais conjuguer. Et puis des noms, aussi. » Elle poursuivit, durant plus d'une heure, par l'enseignement de phrases basiques afin de lui permettre de saluer, de dire au revoir, de se présenter et de demander à l'autre comment il se porte. Dans l'idéal, si elle parvient à attraper Tarik et à lui enseigner les mêmes choses, elle essaiera de leur faire faire quelques dialogues pour qu'ils s'entrainent.

lundi 21 juillet 2014

La Taluna


S’Wari passe, un petit panier d'osier à la main. Ses doigts tiennent fermement l'anse de celui-ci tandis que son autre main est refermée sur la garde d'une petite dague. Elle pousse un petit soupir, se dirigeant vers les canneliers suivants, pensive. Au passage, elle compte vérifier s'il ne reste pas quelques morceaux d'étoffe, laissés là lors de la capture de deux individus par les Mambas.

Tharna jouait tranquillement avec une flèche en observant le coin bien a l’abri dans ses buissons, elle aura reculé brièvement d'un pas en voyant la blondinette et fixe son attention sur elle avant de vérifier que personne ne semble la suivre.

S’Wari racle soigneusement l'écorce de l'arbre avec la dague pour en récupérer un peu, faisant tomber son butin dans le panier. Elle le dépose à côté d'elle, afin de amasser les quelques bouts de tissu déchiré qui gisent ça et là. Elle est perdue dans ses pensées, effectuant sa tâche de façon mécanique, ses prunelles scrutant l'herbe avec distraction.

Tharna glisse un dernier regard en direction de la cascade, avise ensuite le dos de la demoiselle et daigne enfin sortir de sa cachette arc en main. Elle n'approchera pas beaucoup, profitant de l'avantage que devait théoriquement lui fournir son arc « Tal » le ton n'est pas forcément aimable, il est plutôt sec.

S’Wari sursaute. Elle lâche l'étoffe qu'elle tient. Une seconde passe. Elle se retourne lentement, pivotant sur ses talons tout en articulant un « Tal » plus aimable que celui qu'elle vient d'entendre. Ses iris gris s'arrêtent sur la femme qui lui fait désormais face. Elle est armée d'un arc. Une Taluna ? Son souffle se suspend. Est-ce l'une de celles contre qui la tribu est en guerre ? S'Wari la dévisage en silence.

Tharna scrutera les réactions de la demoiselle, et a priori elle une sorte de doute. La peau pale, l'absence d'arme vraiment utile... Elle crispe un peu sa mâchoire avant de se décider a parler : « Tu fais partis du peuple de derrière la cascade ? » et le ton était pas forcement plus aimable.

S’Wari est assez nerveuse. Elle a posé la dague qui lui sert à gratter l'écorce, tout à l'heure, derrière elle. De toute façon, sa lame n'est pas assez affutée pour en faire une arme utile contre autre chose qu'un cannelier : « Oui, je suis une Jang'Ka », répond-elle d'une voix qui se veut apaisante, elle ne mentionne pas le fait qu'elle est une esclave, sachant que les chasseresses n'aiment guère les femmes asservies : « Tu n'es pas une Sa Sa'ng Fori ? », la questionne-t-elle en retour.

Tharna fait quelques pas, a gauche et a droite tout en l'observant... Et comme la blondinette ne semble pas être une menace elle se paye le luxe de regarder aux alentours une nouvelle fois : « Non, je ne suis pas une Sa Sa'ng Fori. Pourquoi cette question, et qu'est ce que ce peuple où les femmes vivent avec les hommes en semblant être leur égales? »

S’Wari se détend un peu mais elle reste méfiante : « Nul part les femmes ne sont traitées en égales..."», une pointe de regret transpire dans le ton de sa voix , « mais il est des peuples qui leur accordent une place plus grande que d'autres. C'est le cas des Mambas. Les hommes tharlarions. » Elle explique cela avec calme. Elle laisse un petit sourire froisser sa bouche : « Nous sommes en guerre contre les Talunas de cette tribu... »

Tharna plisse les yeux doucement : « Mamba, j'ai toujours pensé que cela n'était qu'une sorte de légende idiote... » elle pince légèrement les lèvres, un détail semblant l'ennuyer « Quelle est la raison de cette guerre ? »  et comme elle répond a ses questions, qu'elle semble peu agressive, le ton se fait un peu moins sec et tranchant.

S’Wari sourit de plus belle : « Je l'ai pensé aussi, fut un temps. » Manière subtile de lui faire savoir qu'elle n'est pas née Mamba. De toute façon, le teint laiteux de ses chairs ne tromperait personne... La Taluna lui pose la question des motifs du conflit opposant les Mambas aux Talunas : « Une histoire d'insulte qui doit être réparée, de promesse non tenue... »

Tharna
hoche lentement la tête, et regarde de nouveau les alentours, ce n'est pas qu'elle était particulièrement parano...Juste qu'elle avait un instinct de survis très prononcé : « Je suppose que cela n'est pas aussi étonnant que cela, Gor est vaste...Mais je ne pensais pas... » elle secoue la tête doucement pour finir : « Quel genre de promesse, en saurais tu plus ? » et elle l'observait de nouveau, a priori le doute des premiers instant était de retour et la dague émoussée semblait la conforter dans l'idée. En plus de ça elle observait un peu trop le cou de la demoiselle.

S’Wari
est de plus en plus nerveuse. Elle hésite à siffler pour signaler aux autres qu'elle est en difficulté dans la jungle, ne souhaitant pas les déranger pour rien. Elle passe une main anxieuse sur le collier tribal qui pare son cou : « Je ne peux pas t'en dire plus... Tu es une chasseresse solitaire ? », elle plisse les yeux, sondant celle qui lui fait face. Risque-t-elle de devenir brusquement agressive ? S'Wari déglutit péniblement : « Je peux te mener à notre chef, si tu veux rester dans le coin il vaut mieux que tu te présentes à lui... », elle plonge ses pupilles dans celles de l'inconnue : « Les Mambas n'aiment pas qu'on foule leur territoire sans permission. »

Tharna faisait tourner sa flèches entre ses doigts, visiblement la proposition pouvait l'intéresser mais elle hésitait encore : « Ou est la limite de ce territoire? Et...Je ne compte pas me rendre seule dans un camp inconnu » étrangement, elle ignore royalement la première question.

S’Wari se mordille les lèvres, inquiète. Ses yeux s'abaissent jusqu'à la flèche avec laquelle la chasseresse joue : « Là où ce territoire s'arrête, celui d'une autre tribu commence de toute façon... », souffle-t-elle d'une voix de plus en plus vibrante : « Tu n'es pas seule, alors ? » Elle essaie de poser la question que son interlocutrice a laissée sans réponse d'une autre façon... Elle détache son regard de la taluna pour regarder autour d'elles, comme si elle redoutait soudainement que d'autres soient là, cachées dans les buissons...

Tharna hausse les épaules « Les tribus sont plus ou moins peuplées, et plus ou moins dangereuses » elle désigne la cascade d'un petit signe de tête « Et je doute que des Talunas songent a me manger... » pour le reste elle esquisse son premier sourire, un sourire en coin, presque amusé : « Qui sait? Est-ce que je te semble assez idiote pour m'aventurer en terres inconnues sans prendre de précaution ? »

S’Wari reporte le regard sur la créature : « On n'a pas toujours la possibilité de prendre des précautions quand on se rend en terre inconnue », rétorque la petite blonde de sa voix sucrée : « Mais tu as raison, les Talunas te feront certainement meilleur accueil que les Mambas.» Inutile de lui mentir, en effet, d'autant que S'Wari n'est guère amusée par le sort réservé aux étrangers par les siens. Elle a une sensibilité bien différente de celle des peuples de la jungle : « Cela dit, si tu es venue jusqu'au coeur de la jungle, c'est que tu dois avoir une bonne raison... N'est-ce pas ? »

Tharna l'observe un instant avant de répondre, sa mine se ferme et visiblement quelque chose l'a chiffonnée dans la réponse. Elle avance d'un pas « Le tout est de savoir en prendre un maximum...Et tu poses beaucoup de questions pour une.. » et là elle butte sur le mot, encore une pointe d'hésitation a priori, « Une esclave. »

S'Wari recroisera la Taluna plus tard. Captive, dans le camp des Jang'Ka.

Naufrage

 
« La mer fait aux rochers sa ceinture de bruit.
Froide l'étoile monte et noir l'oiseau émigre.

Abandonné comme les quais dans le matin.
Et seule dans mes mains se tord l'ombre tremblante.

Oui, bien plus loin que tout. Combien plus loin que tout.

C'est l'heure de partir. Ô toi l'abandonné. »

Pablo Neruda.

Magnifique. Elle se tient, derrière les barreaux d'une prison dont le fond se noie dans la pénombre, sublime. Sonia. L'Enfant, de l'autre côté, sanglote doucement. Le Monstre s'avance, sa crinière de ténèbres couvrant l'impudeur de son corps nu. Ses doigts acérés emprisonnent le métal des barreaux, sa voix licencieuse s'élève dans l'air pesant :

« Petit oiseau, tu ne dois pas être triste... Tu es la vie. »

Ses iris cruels se plantent dans ceux de l'Enfant. 

« Ne te soucie pas de la traînée rouge que tu laisses derrière toi, Etain. Le rouge c'est la vie. »

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Goût de sang dans la bouche. Etain se réveilla brusquement.  

Sa respiration était folle, son souffle court. En sueur. De l'écarlate sur la chair blanche de son bras gauche. Elle était blessée, pas gravement, mais le sel de l'eau marine brûlait la plaie.

Elle se redressa, pantelante.  Vivante. Sa mémoire embrumée ne lui permit pas directement de se souvenir de ce qu'il s'était produit. Il faisait jour mais le ciel, gris, ne brillait que d'une faible lueur. Morose. Autour d'elle, gisaient les restes épars d'un navire. Une épave, vaste squelette de bois, se dressait sur l'horizon. Lugubre.

Elle glissa la main sur sa nuque. Son cou était toujours cerclé de fer. L'étoffe de sa tunique, délavée par les flux et reflux de Thassa, étaient déchirée par endroit, la dénudant plus encore qu'à l'origine. Elle frissonna. Elle se sentait vide, et pourtant, étrangement confiante. Son existence n'était qu'une succession de catastrophes, un enchaînement abominable d'évènements pénibles. Elle y était devenue insensible.

Elle leva les yeux vers les cieux moroses. Sa bouche s'ourla d'un sourire. D'une manière ou d'une autre, la fortune était avec elle. Elle le savait, désormais. Elle s'offrirait sans résistance à ses caprices.

La mer, froide, vint lécher ses mollets, la ramenant à la réalité : Il fallait partir. 


samedi 19 juillet 2014

L'orage

Elle s'éveilla en sueur, brûlante et fiévreuse. A l'entrée de la grotte grésillait le crépitement de la pluie qui s'acharnait sur le sol. La foudre fendit les ténèbres célestes, d'une zébrure orange et fugace. Le tonnerre éclata. 

S'Wari se leva. Elle sortait d'un cauchemar que sa mémoire avait effacé dès le réveil. Une étrange impression lui serrait la gorge, une angoisse inexplicable. Quelques pas et la voilà qui s'élançait sous la pluie. L'averse violente fouetta sa chair jusqu'à la geler, estompant rapidement les peintures qui ornaient sa peau.

Le camp était vide, endormi. Elle se glissa jusqu'à la falaise pour contempler la mer furieuse jeter ses rouleaux chargés d'écume sur la plage. Soudain, son cœur s'emballa. A la brève lueur d'un éclair, elle cru distinguer une silhouette, debout dans les flots agités. Une ombre drapée dans une longue cape déchirée. 

Obscurité. Roulement du tonnerre. Pétillement de la pluie.

A nouveau la foudre illumina la baie. Plus rien que l'océan déchaîné qui s'acharnait sur le sable. Un frisson courut le long de son échine. Elle se décida à retourner à l'abri, persuadée que la fatigue venait de lui jouer un mauvais tour. 

De retour à la grotte, un scintillement métallique attira son regard. Elle baissa les yeux. Sur le sol boueux, gisait une dague. S'Wari eut un net mouvement de recul. Elle l'eut reconnue entre mille. Quelques instants s'écoulèrent, qui durèrent une éternité pour elle. Elle se décida à s'approcher pour saisir l'arme, refermant sa menotte dégoulinante sur la garde de celle-ci. Qui l'avait mise là ?

L'arme à la main, elle tourna sur elle-même, cherchant le coupable. Personne. Une peur vive et oppressante s'instilla peu à peu en elle. Elle ne se rendormit pas.