lundi 21 juillet 2014

Naufrage

 
« La mer fait aux rochers sa ceinture de bruit.
Froide l'étoile monte et noir l'oiseau émigre.

Abandonné comme les quais dans le matin.
Et seule dans mes mains se tord l'ombre tremblante.

Oui, bien plus loin que tout. Combien plus loin que tout.

C'est l'heure de partir. Ô toi l'abandonné. »

Pablo Neruda.

Magnifique. Elle se tient, derrière les barreaux d'une prison dont le fond se noie dans la pénombre, sublime. Sonia. L'Enfant, de l'autre côté, sanglote doucement. Le Monstre s'avance, sa crinière de ténèbres couvrant l'impudeur de son corps nu. Ses doigts acérés emprisonnent le métal des barreaux, sa voix licencieuse s'élève dans l'air pesant :

« Petit oiseau, tu ne dois pas être triste... Tu es la vie. »

Ses iris cruels se plantent dans ceux de l'Enfant. 

« Ne te soucie pas de la traînée rouge que tu laisses derrière toi, Etain. Le rouge c'est la vie. »

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Goût de sang dans la bouche. Etain se réveilla brusquement.  

Sa respiration était folle, son souffle court. En sueur. De l'écarlate sur la chair blanche de son bras gauche. Elle était blessée, pas gravement, mais le sel de l'eau marine brûlait la plaie.

Elle se redressa, pantelante.  Vivante. Sa mémoire embrumée ne lui permit pas directement de se souvenir de ce qu'il s'était produit. Il faisait jour mais le ciel, gris, ne brillait que d'une faible lueur. Morose. Autour d'elle, gisaient les restes épars d'un navire. Une épave, vaste squelette de bois, se dressait sur l'horizon. Lugubre.

Elle glissa la main sur sa nuque. Son cou était toujours cerclé de fer. L'étoffe de sa tunique, délavée par les flux et reflux de Thassa, étaient déchirée par endroit, la dénudant plus encore qu'à l'origine. Elle frissonna. Elle se sentait vide, et pourtant, étrangement confiante. Son existence n'était qu'une succession de catastrophes, un enchaînement abominable d'évènements pénibles. Elle y était devenue insensible.

Elle leva les yeux vers les cieux moroses. Sa bouche s'ourla d'un sourire. D'une manière ou d'une autre, la fortune était avec elle. Elle le savait, désormais. Elle s'offrirait sans résistance à ses caprices.

La mer, froide, vint lécher ses mollets, la ramenant à la réalité : Il fallait partir. 


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