mercredi 20 août 2014

Abandonnez toute espérance




Elle se tenait debout, superbement dressée au-dessus des deux hommes qui gisaient à ses pieds. Vêtus d’étoffes rudes et rêches, armés jusqu’aux dents, ils avaient le profil si particulier des hors-la-loi. De ce qu’elle avait compris, c'était des mercenaires payés par quelque illuminé qui désirait ardemment mettre la main sur elle. Au point de les envoyer la capturer à la lisière du Nord, là où résidait sa propriétaire. La redoutable Haerran. 

Les malheureux, cependant, n’avaient pas suivi à la lettre les consignes pourtant précises de leur commanditaire… L’un d’eux, plus mort que vif, leva une main tremblante vers la créature : 

« Que… nous as-tu… fait… sa… sale… petite garce ? » 

L’innommable baissa sur lui ses iris mauves, dédaigneuse. Elle répondit d’une voix impitoyable dont le timbre même parut vide d’émotion : 

« C’est vous qui l’avez fait vous-mêmes. Vous êtes lamentables… » 

Il tenta de refermer la main sur le galbe de son mollet. Elle le repoussa d’un coup de pied avant de s’en écarter. Le bras retomba lourdement sur le sol humide. Elle décocha une œillade inquisitrice dans sa direction. Il était mort.

Elle se retrouvait seule pour la première fois de son existence et cela lui procurait le sentiment détestable de n’avoir plus personne à tourmenter. La sensation désagréable de devoir compter sur elle-même. Son regard violet courut autour d’elle, s’agrippant aux lianes pour se hisser jusqu’à la cime des arbres, roulant dans l’eau claire des cascades en se noyant dans la blancheur de leur écume, s’accrochant aux plumes colorées de tel oiseau ou se figeant sur l’ombre minuscule de telle fourmi, là, entre les herbes denses. Un profond soupir émergea des abysses de son gosier, marquant un certain découragement. Coup d’œil désappointé vers les deux cadavres. Pourquoi ces idiots avaient-il cédé si vite ?

Elle se retrouvait perdue au milieu d'une jungle dont elle ne savait rien, dans un environnement qu'elle devinait quelque peu plus hostile que les belles rues d'Ar ou que les paisibles chemins d'Haldor. Un environnement sur lequel elle n'avait nulle emprise... C'est alors que ses iris heurtèrent le dessin régulier de constructions humaines, là-haut, sur les hautes falaises de pierre.

Un sourire malsain se dessina lentement sur les lèvres impures. Là où il y a des hommes, il y a de l'espoir. Pour elle, en tout cas.


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